Norman Manea, Le retour du hooligan, traduit du roumain par Nicolas Véron et Odile Serre, préface d’Olivier Guez, Points, 2021
"Qu'est-ce qu'un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ?"
« L’exil a duré dix ans. Norman Manea revient dans sa Roumanie natale où le communisme s'est effondré, mais où rien n'a vraiment changé. Entre réalité et fiction, le souvenir affleure : sa mère est morte, le communisme s’est effondré et les fantômes du passé voilent son regard. Reste la douleur lancinante d’avoir fui sa patrie véritable : sa langue maternelle.
Né en 1936 à Bucovine, Norman Manea s'est exilé aux États-Unis en 1987. Auteur d'une dizaine de romans, il est l'écrivain roumain contemporain le plus traduit. Le Retour du hooligan a reçu le prix Médicis étranger 2006. »
Nicoleta Esinencu, L'Évangile selon Marie – Trilogie, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, L’Arche, 2021
« Au commencement était le Verbe
Et l’homme accapara le Verbe...
Et l’homme dit à la femme de se taire. »
« L’Évangile selon Marie, L’Apocalypse selon Lilith et L’Arche de Noréa célèbrent la parole de la Femme, libérée des violences subies au sein des sociétés patriarcales. Une nouvelle Bible s’écrit au travers de trois dissidentes : Marie Madeleine, Lilith et Noréa. Animée d’un souffle poétique libérateur, cette trilogie mêle souvenirs d’enfance, détournement de prières traditionnelles, et récits de femmes de différentes générations, classes et cultures. Dans cette nouvelle liturgie, Nicoleta Esinencu abat les piliers des civilisations occidentales essoufflées, en faveur d’une reconstruction du monde au féminin.
Ce recueil est composé des textes suivants :
- L'Évangile selon Marie (Evanghelia după Maria, traduction Nicolas Cavaillès)
- L'Apocalypse selon Lilith (Apocalipsa după Lilith, traduction Nicolas Cavaillès)
- L'Arche de Noréa (Arca Noreei, traduction Nicolas Cavaillès). »
Oana Lohan, Mars violet, Les éditions du chemin de fer, 2021
“Se barrer à vingt ans d’un pays qui sort d’une dictature atroce et ouvre ses frontières, rien d’étonnant là-dedans. Franchement ça a été la première chose réellement bandante qu’elle ait faite depuis sa naissance. Ou presque.”
« Mars Violet est un roman total, un roman monstre. Oana Lohan, met tout ce qui fait sa vie, son éducation, la révolution, les blessures et les deuils, la fuite, l’exil ou le retour, les amours et les errances dans ce texte furieusement intime et complètement rock.
Le pivot du livre, c’est une nuit de décembre 89 aujourd’hui entrée dans l’histoire, le soir où les Ceausescu vont tomber, le jour où la Roumanie communiste va finir, pour entrer tout à trac dans le magma du capitalisme sauvage. Mais cette Histoire avec un H majuscule a une tout autre saveur quand elle est vécue au ras des événements, quand elle est racontée à chaud par une jeune fille un peu bizarre et son groupe d’amis, partis à la recherche d’un des leurs disparu, eux-mêmes égarés dans les circonvolutions d’une nuit de révolution qui mêle la panique à l’exaltation, l’incompréhension à l’inquiétude.
Oana Lohan tisse une toile narrative complexe où se croisent des souvenirs d’enfance, ceux de la Roumanie communiste dans laquelle elle a grandi, des souvenirs plus intimes ou formateurs, ceux de l’Europe postcommuniste où elle a poursuivi sa voie et sa soif d’expérience de la fin des années 80 à nos jours. On y croise une foule de personnages décrits en touches de couleurs vives qui dresse, au-delà du portrait autobiographique, le portrait intime et déjanté d’un pays aujourd’hui disparu, la Roumanie d’avant 89.
Ce roman est un alcool fort que l’on déguste en gorgées avides »
Florina Ilis, Le livre des nombres, traduit du roumain par Marily Le Nir, Éditions des Syrtes, 2021
« Le Livre des nombres est un roman monumental, à la fois fresque historique, saga familiale et monographie d’un village d’Europe centrale. Il embrasse un siècle de l’histoire mouvementée de la Transylvanie, ballottée entre l’Empire austro-hongrois, la Hongrie puis la Roumanie, tragiquement secouée par l’instauration du régime communiste.
Le lecteur est plongé dans l’entreprise d’un auteur qui tente d’écrire la chronique de sa famille. Il s’y emploie en interrogeant ses proches, en feuilletant des albums de photographies, en fouillant dans les archives de la police secrète, en lisant des Mémoires ou en écoutant des bandes magnétiques ; mais aussi en faisant appel à son imaginaire capable de toutes les transgressions. Peu à peu, devant ses yeux, se tisse ainsi l’épopée de deux familles apparentées, sur quatre générations, qui trouve des échos incessants dans le présent. Grâce à une construction littéraire magistrale, les disparus se racontent autant que les survivants ou leurs descendants. Et leur parole recompose la mémoire collective et un arbre généalogique séculaire, bien ancré dans la terre, dont les branches déploient des noms que l’Histoire n’a pas retenus.
Née en 1968, Florina Ilis est sans doute l’écrivaine la plus douée de sa génération et l’une des grandes plumes de littérature roumaine contemporaine. Elle débute en 2000 avec un recueil de haïkus, mélange de poésie et de calligraphie.
En 2010 paraît en français La Croisade des enfants et en 2015, Les Vies parallèles.
Outre le prix Courrier international du meilleur roman étranger 2010 pour La Croisade des enfants, elle est lauréate de nombreux prix littéraires roumains et internationaux. »
Le Matricule des anges (« le mensuel de la littérature contemporaine ») n° 223, mai 2021, contient plusieurs articles sur des livres roumains ou franco-roumains : L'Évangile selon Marie de Nicoleta Esinencu, Mars violet d’Oana Lohan, Le livre des nombres de Florina Ilis, Solénoïde de Mircea Cărtărescu, traduit par Laure Hinckel, réédité chez Points (http://jplongre.hautetfort.com/archive/2019/12/12/tout-est-reel-toujours-6197393.html#more).
Le Blues roumain, Vol. 2
Lucian Blaga, Éloge du sommeil, édition bilingue, traduit du roumain et avant-propos par Jean Poncet, postface par Horia Bădescu, Jacques André éditeur, Editura Şcoala Ardeleană, 2019
Dumitru Tsepeneag,
Mircea Cărtărescu, Solénoïde, traduit du roumain par Laure Hinckel, les Éditions Noir sur Blanc, 2019, réédition Points, 2021
Mais ce thème central du roman n’en est, justement, qu’un aspect révélateur. Solénoïde est un roman aux multiples facettes, sorte de Recherche du temps perdu qui aurait été modelée par les mains de Lautréamont, de Raymond Roussel, des surréalistes et de Kafka (on en passe, car finalement les mains essentielles sont bien celles de Cărtărescu). Le canevas narratif est simple : un professeur de roumain qui a échoué dans un collège de banlieue et qui aurait voulu être écrivain (le double inversé de l’auteur, en quelque sorte), se raconte, en une superposition des souvenirs d’enfance et de la relation du présent dans une société minée par la dictature, la pauvreté matérielle et morale, mais dont certains membres sont sauvés par la vie mentale et par l’amour. Le rêve, les apparitions nocturnes, le surgissement de l’inconscient, tout cela est inscrit dans la vie. « Tu ne pouvais pas planter le rêve dans le monde, car le monde lui-même était un rêve. ». C’est pourquoi « la chasse au rêve suprême, orama » est l’un des chemins à suivre, sur les traces de Nicolae Vaschide, spécialiste reconnu de la question, et ancêtre d’une belle et inaccessible collègue du narrateur. Tout se tient, vous dit-on : la réalité historique et scientifique, la fiction, le rêve… et tout cela crée le réel.
Melancolia
Christine Colonna-Cesari, Ils sont fous ces Roumains !, L’eldorado roumain, éditions Piatnitsa, 2021
L’entrée de la Roumanie dans la grande guerre.
Sylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, éditions Ex Aequo, 2020
Gérard Blua, Urme, Ultimă călătorie poetică, traducere şi postfaţă Valeriu Stancu, CronEdit, 2020
Bruno Teissier, Ces Roumains qui font la France. Deux siècles d’immigration en provenance de Roumanie et de Moldavie, BiblioMonde Éditions, 2020
Anca-Maria Christodorescu (sélection et traduction), Un Şirag de piatră rară / Défense et illustration de la langue… roumaine, 111 poeme româneşti traduse în franceza, édition bilingue, Editura universitaţii din bucureşti, 2020
Panaït Istrati – Romain Rolland, Correspondance 1919-1935, édition établie, présentée et annotée par Daniel Lérault et Jean Rière, Gallimard, 2019
Autre aspect primordial : l’Histoire, dont les troubles et les soubresauts provoquèrent une querelle politique et une brouille d’envergure entre deux personnalités de fort tempérament. Pour le rappeler d’une manière schématique, les voyages qu’Istrati fit en URSS lui révélèrent une réalité bien différente de celle qu’il imaginait, lui dont l’idéal social et politique le portait pourtant vers le communisme. Sa réaction « consterne » un Romain Rolland resté fidèle à son admiration pour le régime soviétique. « Rien de ce qui a été écrit depuis dix ans contre la Russie par ses pires ennemis ne lui a fait tant de mal que ne lui en feront vos pages. ». Le temps a montré qui avait raison… Certes, tout n’est pas aussi simple, et l’un des avantages de cette correspondance est de montrer que, sous les dehors d’un affrontement rude et apparemment irrémédiable, certaines nuances sont à prendre en compte. Il y aura d’ailleurs une réconciliation en 1933, même si chacun campe sur ses positions à propos de l’URSS (pour Romain Rolland « le seul bastion qui défend le monde contre plusieurs siècles de la plus abjecte, de la plus écrasante Réaction », pour Panaït Istrati « lieu des collectivités nulles, aveugles, égoïstes » et du « soi-disant communisme »). Malgré cela donc, le pardon et l’amitié l’emportent, peu avant la mort d’Istrati.
Radu Bata, French Kiss, « L’amour est une guerre douce », édition bilingue français-roumain, Libris Editorial, Braşov, 2020
Le Persil
Marian Ilea, L’Oncle George – son dernier jour / Badea George – ultima zi, traduction, présentation et notes de Dominique Ilea, Editura Eikon, 2019
À cette pièce à la fois patriotique et populaire, succèdent plusieurs autres textes inédits aux sujets divers, mais qui ont en commun le Maramureş, ses coutumes, ses forêts, ses villages, son histoire plus ou moins récente. Il y a là Gheorghe le fossoyeur, à qui Ion à Lişcă Bazatu relate ses tribulations guerrières. Ou un maître bâtisseur des fameuses églises en bois de la région, qui exporte ses constructions dans le monde entier, et qui garde farouchement la tradition tout en tentant « d’unifier les églises » et en faisant bouillir sa pălincă. Et encore Magdău « le tailleur de bois » qui, après avoir frôlé la mort, s’est mis à faire ce qu’il appelle des « icônes à fourneaux ». Et puis Rozsa-Néni la centenaire, officiellement fêtée par les autorités, ou « le critique amateur d’art Bitter Schnaps » qui se lance comme chaque année, en l’honneur de la création artistique, dans un discours que personne n’écoute…
Matei Calinescu, La Vie et les opinions de Zacharias Lichter, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, préface de Thomas Pavel traduite de l’anglais par Scari Kaiser, Circé, 2020