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roman

  • Une enfance en Moldavie soviétique

    Roman, Moldavie, Roumanie, Lorina Bălteanu, Marily Le Nir, Éditions des Syrtes, Jean-Pierre LongreLorina Bălteanu, Cette corde qui m’attache à la terre, traduit du roumain par Marily le Nir, Éditions des Syrtes, 2024

    Années 1960-1970. En brefs épisodes, une fillette raconte sa vie quotidienne dans un village où se mêlent traditions rurales et contraintes plus ou moins explicites dues au régime en vigueur – le pays qui est devenu en 1991 la République de Moldavie étant alors intégré à l’URSS. Cela pour l’environnement extérieur. Mais il y a plusieurs couches de lecture dans cette narration menée avec une grande finesse : les relations familiales, avec les frères et sœurs, les parents (« Maman veut que Papa soit comme elle le veut, elle »), les grands-parents, si différents les uns des autres, sans oublier la famille éloignée ; les relations avec d’autres enfants et des figures marquantes du village, la guérisseuse, la bibliothécaire, le « beau garçon » qui « a fait le malheur de bien des filles », et surtout de celle qu’il a épousée, le milicien, Ileana qui a mauvaise réputation…

    Et surtout, la vie intérieure de la fillette qui manifeste un sens aigu de l’observation tout en se laissant aller à des désirs d’ailleurs, qui fait preuve d’une intelligence précoce alliée à une fraîche naïveté enfantine. Elle combat les soucis de la vie et les petites ou grandes vexations en rêvant et en s’appropriant lucidement ses rêves : « Moi, j’aime tous mes rêves et je ne veux pas les mélanger avec ceux de mes frères. » Parmi les incitations, il y a surtout la « tante Muza », qui vit à Bucarest et dit connaître Paris. « Je parcours le monde en pensée, avec elle, parfois je vais encore plus loin, là où elle n’est pas encore parvenue, et même la voix fâchée de maman ne peut pas me faire revenir. » En fait, les gestes familiers et les petites préoccupations de la vie quotidienne sont essentiellement tournés vers l’hypothétique départ, espoir et lucidité mêlés : « La nuit, quand l’envie de partir me reprend, je sors ma lampe de poche de sous l’oreiller et, à sa lumière, je recompte mes sous à l’insu de tous. Il n’y en a pas encore assez. Moi, je veux partir loin et, pour ça, il m’en faut encore plus. »

    Il n’y a apparemment rien d’exceptionnel dans ce livre. Vie familiale, vie sociale, vie scolaire, échappées réelles et imaginaires… Mais Lorina Bălteanu qui, née en Moldavie et vivant à Paris, connaît bien le contexte de son sujet, sait parfaitement camper des ambiances et montrer les vicissitudes de la vie à travers les mots d’une enfant qui n’hésite pas à dire ce qu’elle a à dire, qui n’a pas froid aux yeux – des yeux qu’elle a vifs et acérés (d’ailleurs la plupart du temps elle « rêve les yeux ouverts »). Et si la matière narrative est puisée dans un réel historiquement et géographiquement précis, l’autrice la transforme en un récit dont la portée est à la fois générale et profondément humaine. C’est là le véritable art du roman.

    Jean-Pierre Longre

    https://editions-syrtes.com

    Parution le 22 mars 2024

  • Les massacres et les silences

    Roman, Histoire, francophone, Roumanie, Lionel Duroy, Miallet-Barrault, Jean-Pierre LongreLionel Duroy, Mes pas dans leurs ombres, Miallet-Barrault, 2023

    Son nom de famille est Codreanu, et pourtant Adèle, dont les parents ont émigré en France à l’époque de Ceauşescu, ne s’est jamais vraiment intéressée à la Roumanie. C’est à l’occasion d’un reportage à Bucarest, où l’envoie son rédacteur en chef, que la journaliste va découvrir l’histoire de son pays d’origine, ainsi que le passé trouble de son ascendance : son grand-père, qui fut un haut responsable communiste, n’a-t-il pas été auparavant un militant de l’extrême-droite antisémite sous le général Antonescu ? C’est en tout cas ce que vont lui révéler des habitants de Iaşi, la ville de sa famille.

    Prise de passion pour ses recherches sur les massacres de Juifs, dans les années 1940, entre la Roumanie, la Moldavie et l’Ukraine, confortée par la lecture des livres d’Aharon Appelfeld et d’Edgar Hilsenrath, elle va parcourir les lieux de ces massacres et se poser des questions sur leur oubli : « Découvrant au même moment ce qu’avait été l’existence des Roumains sous le communisme (dont je n’avais rien voulu savoir de la part de mes parents) et le massacre des Juifs par ces mêmes Roumains, je confondais les époques, passais de l’une à l’autre comme si elles étaient liées. J’ai cherché à comprendre pourquoi mon cerveau établissait ce lien et je suis parvenue à me le formuler : des Juifs avaient été tués sous le régime fasciste du général Antonescu (combien ? je n’en savais rien) et ils l’avaient été une deuxième fois sous le régime communiste par l’interdiction de se souvenir d’eux, par l’effacement de leurs noms des mémoires et des livres d’histoire. »

    Périple historique (le livre donne beaucoup de précisions sur les lieux et les dates), il s’agit aussi d’un périple individuel et initiatique : les découvertes faites par Adèle bousculent sa vie sentimentale (elle se sépare de son mari, trouve un nouvel amour en Moldavie), sexuelle (sa frénésie d’exploration du passé rejaillit en quelque sorte sur ses désirs charnels), familiale, puisqu’elle dévoile à son père le passé de son grand-père, probablement complice de massacres de Juifs (« En plus d’être un menteur, ton père était probablement un salaud, peut-être même un assassin […]. Je me demande même si, au fond, tu le savais mais préférais que cela reste enfoui ») et citoyenne, puisque la Moldavie et la Roumanie, malgré le passé tu, malgré tout, semblent devenir son propre pays. Lionel Duroy, qui avec Eugenia avait déjà fait des pogroms (celui de Iaşi en particulier) un thème dramatique, historique et romanesque, élargit ici le champ de vision, en passant toujours par les yeux et les mots d’une héroïne à fleur de peau.

    Jean-Pierre Longre

    www.mialletbarrault.fr

  • Complexes destinées

    Roman, Roumanie, Gabriela Adameşteanu, Nicolas Cavaillès, Gallimard, Jean-Pierre LongreGabriela Adameşteanu, Fontaine de Trevi, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, Gallimard, « Du monde entier », 2022

    Letitia voudrait récupérer des biens immobiliers familiaux que le pouvoir communiste avait confisqués. Installée en France avec son mari Petru, ancien journaliste à Radio Free Europe, elle fait pour cela des voyages successifs à Bucarest, retrouvant des amis et de la famille, confrontant ses souvenirs à la réalité présente. Voilà le fil conducteur, le prétexte narratif d’un roman dans lequel on retrouve la protagoniste déjà présente dans les deux précédents (Vienne le jour, Situation provisoire), elle-même cherchant à publier ce qu’elle assume comme une « autofiction ».

    On l’a connue jeune étudiante en proie aux difficultés matérielles et morales des années 1950-1960 dans ce pays, puis adulte, cherchant à oublier les contraintes de la vie conjugale et professionnelle, ainsi que les risques politiques, dans une relation amoureuse un peu compliquée… On la découvre maintenant retirée dans une bourgade française, dont elle quitte périodiquement la tranquillité pour se retrouver dans une Roumanie qui, toujours marquée par son passé, a ingurgité les ressorts et les compromissions du capitalisme débridé. Certes, il y a eu la « révolution », dont ses amis Morar, comme d’autres, déplorent la confiscation par les anciens apparatchiks et « sécuristes », et la parole et les déplacements – à condition qu’on en ait les moyens – y sont libres ; d’ailleurs, ceux qui le peuvent ne se privent pas d’aller travailler ou étudier à l’étranger, avec l’espoir d’en revenir mieux lotis (comme ceux qui, jetant une pièce dans la fontaine de Trevi, font le vœu de revenir à Rome). Les souvenirs personnels (amours, famille, amitiés) de Letitia se mêlent aux retours sur un passé collectif auquel le présent renvoie sans cesse, colorant les destinées des espoirs et des désespoirs qui en résultent, ces destinées qui se révèlent plus complexes qu’il n’y paraît, car tout n’y est jamais tout blanc ou complètement noir.

    L’œuvre de Gabriela Adameşteanu n’est pas seulement narrative. Comme dans les fresques épiques, elle campe des atmosphères aussi diverses que le sont les époques décrites, les rues de Bucarest (l’allée Teilor ou les avenues grouillantes) et les maisons de l’allée des Tilleuls, en Touraine (en une évocation digne de Du Bellay), bien d'autres lieux encore, intimes ou publics, familiaux ou professionnels… La multiplicité des événements, les grandes disputes politiques, le foisonnement des personnages (tel que leur triple liste finale est d’une grande utilité), le fond de réalité historique sur lequel ils s’impriment en relief, l’ensemble est d’une écrivaine en pleine maturité de son art, dans la lignée de Balzac, d’un Balzac qui s’exprimerait à la première personne et qui se poserait des questions sur l’ambiguïté de son personnage : « Cette femme que Sorin observe bizarrement, l’esprit ailleurs, est-ce bien moi ? ou le personnage de mon livre ? Est-ce de ma vie que je me souviens, ou bien de celle que j’ai imaginée, à partir de la vraie ? » Disons-le : ce genre de livre, fruit d’un talent et d’un travail littéraires qui n’ont pas leur pareil, ne peut être traduit que par un écrivain, et c’est bien le cas. Nicolas Cavaillès a compris comment entrer et faire entrer les lecteurs dans le monde de Gabriela Adameşteanu, dont l’œuvre entre elle-même largement dans le patrimoine littéraire d’aujourd’hui.

    Jean-Pierre Longre

    www.gallimard.fr

  • Le peintre et la Marguerite

    Roman, peinture, francophone, Christian Cogné, Velvet, Jean-Pierre LongreChristian Cogné, Toute fleur s’étalait plus large, Velvet, 2023

    « Je ne t’aime pas du tout ! Je ne t’aime pas du tout ! Pas du tout ! Pas du tout ! Je ne t’aimerai jamais ! » Ce jour-là, après l’effeuillage d’une marguerite, Petru, petit garçon issu d’un viol et à cause de cela rejeté dès sa naissance par sa mère, chuta dans un précipice en essayant de fuir cette haine. Chute réelle, chute symbolique de l’abandon dans lequel fut laissé l’enfant qui, devenu adulte, sombra dans la déchéance, l’alcoolisme et la violence, avant de rencontrer un drôle de peintre à qui il dut sa métamorphose. C’est ainsi que Petru, sous l’exigeante houlette de Sam, devint un « peintre paysagiste » prometteur.

    Chez lui, la passion de la peinture va de pair avec la quête libératrice de l’amour dont sa mère l’a privé. Avant de le quitter pour d’autres contrées, Sam, son maître, lui a écrit une lettre testament où il lui prodigue ses conseils : « Remonte le temps, Petru ! Fixe ta mère dans les yeux et libère-toi. Comment ? À toi de trouver le moyen. Il te faudra des années, je le crains, pour sortir du trou. […] Je te le prédis, tu retomberas et tu te relèveras tandis que tu te croiras mort. Lorsque sur la toile peinte, tu te verras apparaître et grandir au plus loin de la ligne de fuite, tu sauras que tu as gagné ta part d’éternité. Un jour, tu seras au même niveau que Vincent Van Gogh. » Programme démesuré, que Petru suit d’aventure en aventure, de rencontre en rencontre. On le voir accoudé au comptoir d’un bistrot de banlieue, racontant par épisodes à quelques habitués ses pérégrinations en France, aux États-Unis, en Roumanie, dans la ville de Braşov, d’où vient sa mère, et où « sa propre histoire s’enracinait. » Mais « sa vraie patrie était celle des métamorphoses, des formes qui en recouvrent d’autres et des traces qui se perdent en chemin. »

    Tout au long du roman, la peinture, les tableaux, les fresques même, dans une mise en abyme du récit, et nécessairement les rencontres amoureuses, tout cela figure la mise en forme artistique de la Marguerite, celle qui va se construire jusqu’à l’effeuillage victorieux, jusqu’au « Je t’aime » que sa mère a toujours refusé de lui concéder. Cette Marguerite dont il aura eu la vision au moment de son sevrage alcoolique : « La Marguerite profitait de l’obscurité pour sortir de son cadre. Elle se faisait toute petite au début. Comme une femme vulnérable qui ignore dans quel milieu elle met les pieds. Puis, dans la clarté blafarde qui émanait d’elle, sa tête s’ouvrait sur une fleur géante qui se développait, se développait… Du cœur jaune de celle-ci jaillissait une créature à tête de femme et au corps de serpent. »

    Dans Toute fleur s’étalait plus large (titre emprunté à un vers de Mallarmé), les aventures romanesques et sentimentales, les voyages et les rencontres sont les manifestations extérieures de l’inlassable quête d’amour de Petru, « sur maint charme de paysage », comme l’écrivait encore Mallarmé. L’art pictural, dans les détails duquel l’auteur n’hésite pas à entrer, comme pour nous faire participer à l’apprentissage progressif de son héros jusqu’à sa parfaite maîtrise des formes et des couleurs, jusqu’à l’accomplissement de l’œuvre, l’art pictural, donc, renferme les signes et les secrets de cette quête à laquelle nous, lecteurs, participons avec une émotion intense et un attachement profond pour un personnage qui, tout en se dévoilant, garde les mystères de son paysage intérieur.

    Jean-Pierre Longre

    www.editionsvelvet.com

  • Quelques parutions récentes (hiver 2022-2023)

    Récit, poésie, roman, essai, Roumanie, Marina Anca, Luminitza C. Tigirlas, Cristian Fulaş, F. et J.-L. Courriol, Catherine Durandin, éditions Saint-Honoré, Jacques André éditeur, La Peuplade, L’HarmattanMarina Anca, Quand la chenille devient papillon ou la dictature roumaine vue par une adolescente libre, « enrichi par l'auteur suite aux questions des élèves de 3e lors de ses conférences », éditions Saint-Honoré, 2022

    « Dans ce récit historique, le lecteur apprendra la ténacité dont il faut faire preuve pour tenter de vivre heureux dans une dictature communiste, où la terreur et la surveillance quotidienne règnent en maître. Le ton narratif semble innocent mais les critiques portent sur l’ascension du communisme, le durcissement de la dictature, l’exécution de Ceausescu et la gravité de l’histoire de la Roumanie sont perceptibles. Prenant l'histoire de son enfance comme prétexte, l'écrivaine nous dépeint son aperçu de notre société moderne au niveau social et, bien entendu, politique. Son témoignage, écrit de manière fluide, est à la portée des collégiens qui étudient les régimes totalitaires en troisième. 

    Française d’origine roumaine, Marina ANCA est arrivée en France en 1983, protégée par l'État français eu égard à la situation politique de sa famille. Cela s'est passé six ans avant la chute du régime communiste, ce que personne n'aurait pu prédire. Après avoir fini le lycée, ses études de commerce international et obtenu un DESS en droit, l'écrivaine a travaillé dans la mode et la publicité avant de se consacrer à l’écriture. Elle signe là un témoignage autobiographique particulièrement émouvant et positif sur ces vingt-cinq ans terrifiants et nous offre un exemple d'intégration réussie. »

    https://www.blinklinebooks.com/product-page/Quand-la-chenille-devient-papillon

     

     

    Récit, poésie, roman, essai, Roumanie, Marina Anca, Luminitza C. Tigirlas, Cristian Fulaş, F. et J.-L. Courriol, Catherine Durandin, éditions Saint-Honoré, Jacques André éditeur, La Peuplade, L’HarmattanLuminitza C. Tigirlas, Eau prisonnière, Jacques André éditeur, 2022

    « Servant de matière poétique, les quatre éléments se révèlent dans leur texture, couleur, température. La poésie de Luminitza C. Tigirlas les transforme pour en faire un principe de vie grâce auquel le corps se déploie, se dresse vers la lumière qui nous console, nous revigore par un don de parole. L’eau est prisonnière, mais elle nous souffle au visage, elle est noire, épaisse et brûlante comme l’inconscient, serait-ce donc de la lave, comme cette chose qui vit et bouillonne en nous à notre insu ? L’œuvre agit du premier au dernier vers pour bouleverser l’âme, pour transmuter l’humain en objet cosmique. L’eau prisonnière ne demande qu’à être libérée, à nous venir à la bouche avec le goût de vivre et la soif d’aimer en ouvrant l’écluse imaginaire du temps. »

    Des embouchures apatrides

    attendent tes lèvres 

    pour souffler la fin de l’exode

    L’Attente exige rente à perpétuité

    Le mot de l'éditeur :

    « L'art poétique consiste à pouvoir identifier et nommer des choses qui n'existent pas ou à moitié seulement. Or ce sont ces choses-là qui gouvernent nos sentiments, orientent nos désirs et génèrent nos pulsions. Luminitza, au prénom si évident et symbolique, éclaire de son regard tantôt émerveillé, tantôt lucide et amusé, les eaux sombres et troubles de l'inimaginé pour faire apparaître d'étranges images qui sont nôtres pourtant. »

    www.jacques-andre-editeur.eu

    http://luminitzatigirlas.eklablog.com

     

     

    Récit, poésie, roman, essai, Roumanie, Marina Anca, Luminitza C. Tigirlas, Cristian Fulaş, F. et J.-L. Courriol, Catherine Durandin, éditions Saint-Honoré, Jacques André éditeur, La Peuplade, L’HarmattanCristian Fulaş, Iochka, traduit du roumain par F. et J.-L. Courriol, La Peuplade, 2022

    « Au cœur d’une vallée sauvage des Carpates, Iochka fabrique du charbon de bois. Quasi centenaire, il aime se taire, boire sec et dévaler ivre les routes sinueuses des montagnes au volant de sa vieille Trabant bleue. Mais le plus souvent, il demeure assis sur le banc cloué à l’extérieur de sa petite maison, se remémorant son existence hors norme. La guerre, les camps soviétiques, Ceaușescu, puis la camaraderie du chantier quand il est affecté à la construction d’une voie ferrée qui ne mène nulle part. Là, loin du tumulte de l’Histoire, il expérimente l’harmonie sexuelle auprès d’Ilona, l’amour lumineux de sa vie, et partage l’amitié indéfectible du contremaître, du docteur et du pope, tous trois aussi alcooliques et excentriques que lui. Avec eux, il approche le secret du temps et du bonheur.

    Dans une prose au souffle immense, Cristian Fulaș fait exister des personnages inoubliables. Iochka, roman aussi drôle que poignant, est un chant puissant dédié aux vies minuscules cassées et oubliées dans la grande course du monde. »

    https://lapeuplade.com

     

    Récit, poésie, roman, essai, Roumanie, Marina Anca, Luminitza C. Tigirlas, Cristian Fulaş, F. et J.-L. Courriol, Catherine Durandin, éditions Saint-Honoré, Jacques André éditeur, La Peuplade, L’HarmattanCatherine Durandin, Ma Roumanie communiste, L’Harmattan, 2023

    « Trente ans et plus après l'effondrement du système soviétique, ma Roumanie communiste ne m'a pas quittée. Lointaine sans doute mais très présente encore. C'est en 1967 que, jeune historienne à l'Institut National des Langues et Civilisations orientales, je découvre, lors d'un voyage d'étudiants français, un monde qui me bouscule, des petits morceaux d'un pays dont j'étudie l'histoire et la langue… Une étrange ambiance opaque, tant de non-dits, de silences, de mensonges. Et surtout, un tel contrôle politique, policier. Un encadrement étouffant pour notre groupe d'« invités ». Ma Roumanie communiste s'est imposée au fil des années. Parmi mes premiers interlocuteurs, plusieurs sont devenus des amis fidèles. Souvenirs contrastés. « Demeurent mon malaise et ma distance face au cynisme pragmatique et insolent de certains de mes contacts. L'oubli ne m'est pas possible. »

    https://www.editions-harmattan.fr

  • Quelques parutions récentes

    Roman, Histoire, Dictionnaire, Roumanie, Gabriela Adameşteanu, Nicolas Cavaillès, Christine Colonna-Cesari, Smaranda Lupu, Gallimard, éditions PiatnitsaGabriela Adameşteanu, Fontaine de Trevi, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, Gallimard, “Du monde entier », 2022

    « Depuis longtemps installée en France, Letitia rentre régulièrement à Bucarest pour tenter de récupérer un héritage confisqué par le régime communiste. Ces voyages dans son pays natal sont autant d’occasions de replonger dans son passé. Le temps d’une journée en ville, lui reviennent par bribes les souvenirs, collectifs et intimes, de ces trente dernières années. Que reste-t-il de l’amour clandestin qui la liait à Sorin, et face à quel choix cet homme l’a-t-il laissée ? Leur séparation l’a poussée du côté des exilés. Avec la maturité de l’âge, elle sonde les différences entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, repense à ses rêves dont un au moins ne l’a pas quittée : transformer sa vie en roman.
    Placé sous le signe de la sagesse et de l’acceptation de soi, Fontaine de Trevi dresse la chronique de cinquante ans d’histoire roumaine à travers l’introspection bouleversante d’une héroïne lucide. Sensible et poignant, ce livre confirme Gabriela Adameşteanu comme une grande voix de la Roumanie d’aujourd’hui. »

    www.gallimard.fr

     

    Roman, Histoire, Dictionnaire, Roumanie, Gabriela Adameşteanu, Nicolas Cavaillès, Christine Colonna-Cesari, Smaranda Lupu, Gallimard, éditions PiatnitsaChristine Colonna-Cesari, Maruca Cantacuzino Enesco Princesse rebelle, Editions Piatnitsa

    « La princesse Maria Cantacuzino (1878-1968), connue sous le nom de Maruca, fut célèbre pour sa beauté, son intelligence, son originalité, son caractère entier et indépendant. Née dans cette Moldavie roumaine de la fin du 19ème siècle, où la culture et l’hospitalité des boyards font loi, Maruca deviendra la princesse la plus riche de Roumanie en faisant un mariage d’amour avec le prince Mihai Cantacuzino, puis en secondes noces, la muse et l’épouse passionnée, du plus grand musicien et compositeur roumain Georges Enesco, dont elle partageait l’idéal de liberté. Elle fut aussi l’amie des reines de Roumanie, Elisabeth et Marie. Aller à sa rencontre, c’est découvrir une princesse vibrante et surdouée, née à l’aube de la Belle Epoque, qui traversa les tourments de l’histoire avec courage, un niveau de conscience élevé et un regard lucide, qui la rendent très présente, humaine et contemporaine. »

    « Christine Colonna-Cesari est auteur, éditeur, lauréate de 4 Prix littéraires. Elle est l’auteur de : Ils sont fous ces Roumains ! Prix Renaissance 2021, de l’Académie Poétique et Littéraire de Provence. Elle vit à Bucarest depuis 2018. Elle fait ici, revivre Maruca dans toute sa sensibilité et sa complexité. Ce livre est aussi un voyage inhabituel au cœur d’une époque à la découverte de personnages historiques ressuscités avec talent. »

    Editions Piatnitsa. Direction : Strada Roma 40. Secteur 1. 011774 Bucarest. Siège social: 16 Boulevard Saint-Germain.75005 Paris. Sur commande, chez tous les bons libraires de proximité.

    http://www.editionspiatnitsa.com

     

    Roman, Histoire, Dictionnaire, Roumanie, Gabriela Adameşteanu, Nicolas Cavaillès, Christine Colonna-Cesari, Smaranda Lupu, Gallimard, éditions PiatnitsaSmaranda Lupu, Dictionnaire des 100 mots roumains les plus fréquents, 2022

    « Apprenez le roumain avec la Méthode des 100 mots, une approche innovante et incontournable. Les 100 mots roumains les plus fréquents couvrent plus de 50% de la langue active ! Ils sont illustrés par 1001 exemples d’usage courant, partie intégrante de la méthode. Ce que vous trouverez dans cet ouvrage : la prononciation pour tous les exemples, un graphisme en couleurs, avec de nombreuses images et illustrations, pour accompagner et faciliter la lecture, des liens et des renvois afin d’établir des connexions entre les mots et de naviguer avec aisance, des rubriques de pièges et astuces. »

    https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/annonces.html?id_declaration=10000000793347&titre_livre=Dictionnaire_des_100_mots_roumains_les_plus_fr%C3%A9quents

  • Quelques parutions récentes

    Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteVladimir Cretulescu, Ethnicité aroumaine, nationalité roumaine. La construction discursive d'une identité nationale (1770-1878). Préface de Florin Turanu, L’Harmattan, 2021

    « Vers la moitié du XIXe siècle, les Aroumains sont une population de bergers, marchands et dirigeants de caravanes, éparpillée dans toute la région des Balkans. Suite au bourgeonnement des idées nationales modernes dans le sud-est de l'Europe, ce groupe ethnique, parleur d'un idiome néolatin, est revendiqué par deux discours identitaires rivaux : l'un faisant d'eux des membres de la nation grecque, l'autre, leur attribuant la nationalité roumaine. Notre ouvrage se propose de tracer le développement du discours identitaire aroumain-roumain, qui construit les Aroumains comme des membres du peuple roumain, dès ses origines balkaniques jusqu'en 1878, l'année où le mouvement aroumain-roumain persuade les Ottomans de reconnaître le droit des Aroumains à bénéficier d'enseignement dans leur supposée langue nationale : le roumain. En mobilisant le modèle de Paul Brass, nous suivrons le processus de construction discursive qui rend l'ethnicité aroumaine assimilable à la nationalité roumaine. »

    « Vladimir Cretulescu est docteur en histoire et en science politique, diplômé des universités de Bucarest et de Bordeaux. Il est lecteur des universités à la Faculté d'Histoire de l'Université de Bucarest. »

    www.editions-harmattan.fr

     

    Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteAlina Nelega, Comme si de rien n’était, traduit du roumain par Florica Courriol, éditions des femmes, 2021

    « En écrivant, elle se dit qu’elle réussira à mieux comprendre – en inter­changeant le personnage de Nana avec celui d’un garçon, peut­-être, avec Dani ou Mits, par exemple, ce serait plus facile – ah non, ce ne se­rait pas plus facile. Elle devrait s’instruire davantage sur les corps et les émotions, comprendre pourquoi son ventre est serré, nœud de désirs et d’inquiétudes, elle les reconnaît bien, ils sont clairs ces mots, mais elle a peur de les exprimer. Ah, si elle pouvait courir, voler, se jeter sur le sable chaud d’une mer, écouter, éperdue, le bruit des vagues. Elle s’imagine les vagues et au­ dessus, la montagne. » A.N.

    « Cristina traverse son adolescence dans les années 1980, durant la dernière décennie de la dictature roumaine. Élève dans un lycée de province, elle s’éprend d’une camarade de classe issue d’un milieu plus élevé et se découvre une passion pour l’écriture. Mais les diktats imposés par le régime lui barrent le chemin. Jeune adulte, elle s’efforce de naviguer entre les contraintes politiques, familiales et sociales qui pèsent sur les femmes. Elle essaie d’écrire, jonglant entre précarité, censure et autocensure. Avec un humour corrosif, les plus subtils rouages de l’oppression sont mis à nu. »

    « Alina Nelega a chamboulé avec Comme si de rien n’était les habitudes littéraires roumaines par un sujet peu abordé jusque ­là : l’homosexualité féminine. Placé dans un cadre historique précis, mais qui s’éloigne du souvenir des Roumains – la dernière décennie du « règne » Ceausescu -, le livre se présente comme un arrêt sur image de toute la société roumaine. Il y est question de la fameuse Securitate, du contrôle de la sexua­lité par le Parti, de pénurie, de corruption, de relations interethniques en Transylvanie – où se déroule principalement la narration -, d’abus politiques, de révolte étouffée. Il y est question d’amour et de féminité mais surtout de liberté. »

    www.desfemmes.fr

     

     

    essai,roman,roumanie,vladimir cretulescu,florin turanu,l’harmattan,alina nelega,florica courriol,éditions des femmes,marin malaicu-hondrari,laure hinckel,incultePompei Cocean, La Roumanie au début du troisième millénaire. Préface de Jean-Marie Miossec, L’Harmattan, 2021 

    « À destination d'un public francophone, cet ouvrage est une ouverture sur la Roumanie, avec la volonté d'en donner une image réelle. Le paysage naturel du pays est analysé à travers ses éléments particuliers. Le peuple roumain est présenté à la lumière de son histoire millénaire, pleine de méandres et de contradictions. Pompei Cocean s'intéresse ainsi à la dynamique des structures démographiques, aux interférences ethniques, mais également à la dérive numérique de la période actuelle, une période de transition vers une nouvelle économie et une nouvelle société. D'un point de vue géographique, la Roumanie se trouve à un véritable carrefour, entre l'Occident et l'Orient, offrant de nombreux avantages sur lesquels le pays devrait, selon l'auteur, baser sa vision de développement. »

    « Pompei Cocean a effectué son activité de recherche scientifique à l'Institut de spéléologie « Emil Racovita ». Il a été doyen de la faculté de géographie et vice-président de l'Université Babes-Bolyai. Il est le fondateur du Centre de géographie régionale et des revues scientifiques Romanian Review of Regional Studies et Geographia Napocensis. »

     

     

    Essai, Roman, Roumanie, Vladimir Cretulescu, Florin Turanu, L’Harmattan, Alina Nelega, Florica Courriol, éditions des femmes, Marin Malaicu-Hondrari, Laure Hinckel, InculteMarin Malaicu-Hondrari, Le livre de toutes les intentions, traduit du roumain par Laure Hinckel, Inculte, 2021

    « Le narrateur du Livre de toutes les intentions a quitté sa Roumanie natale pour bourlinguer sur les routes d’Espagne et du Portugal, animé par une double obsession : écrire un livre en une nuit et rassembler dans ses pages la vie de tous les grands écrivains suicidés. Qu’il sillonne le pays à bord d’une Lexus « empruntée », garde un garage à l’abandon ou loge dans une sorte de chenil délirant, ses pensées ne s’éloignent jamais vraiment des « embaumés exemplaires », qu’il s’agisse de César Pavese, Sylvia Plath, Cortázar, ou même Diane Arbus, Kurt Cobain. Une femme traverse sa vie, une certaine Iris, qui prend forme dans sa fumée de cigarette ou quand il retrouve « un bout de liste de courses, une pince à linge cassée, quelques grains de riz »…

    Dans ce bref récit d’une liberté explosive, Marin Malaicu-Hondrari réussit à mêler road-trip et méditation, amour de la poésie et excès de café, composant de façon inattendue une sorte de galerie à la fois loufoque et érudite des grands suicidés de la littérature, accompagné par une musique endiablée, celle du « tacatacatac ininterrompu des touches » de sa machine à écrire et rêver. »

    « Marin Malaicu-Hondrari est né à Sângeorz-Bai en 1971. Cet écrivain roumain, à la fois poète et romancier, est également traducteur de l’espagnol, avec à son palmarès de grands noms comme Roberto Bolaño, Mario Vargas Llosa ou Alejandra Pizarnik. Il a publié un recueil au titre évocateur : Le Vol de la femme au-dessus de l’homme et écrit, en collaboration avec le réalisateur Tudor Giurgiu, le scénario d’après son roman Apropierea pour le film Parking, sorti en 2019. Le livre de toutes les intentions est son premier roman (publié en 2006 en Roumanie). »

    https://inculte.fr

     

    essai,roman,roumanie,vladimir cretulescu,florin turanu,l’harmattan,alina nelega,florica courriol,éditions des femmes,marin malaicu-hondrari,laure hinckel,inculteCatherine DurandinIrina GridanCécile Folschweiller, 1918. Nation et revolutions, L’Harmattan, 2022

    « 1918, annus mirabilis pour les Roumains, année de l'Union, celle qui ouvre la Grande Roumanie, dont le centenaire fut fêté en grande pompe en 2018. Au-delà des commémorations, c'était l'occasion de réinterroger la complexité du moment, du déroulement, des engagements, des narrations. Car les enjeux de 1918 ne sont pas seulement militaires mais aussi politiques, idéologiques, intellectuels. Les acteurs sont roumains mais également européens. Le moment est national et révolutionnaire. Et cet avènement est aussi un écroulement - celui des empires - dont le nouvel État porte une part d'héritage. Cent ans après, onze spécialistes de la Roumanie et de la République de Moldavie revisitent avec acuité ce lieu de mémoire. Les enjeux d'hier éclairent ceux d'aujourd'hui. »

    « Sous la direction de : Catherine Durandin, Cécile Folschweiller, Irina Gridan.
    Avec les contributions de : Gavin Bowd, Matei Cazacu, Angela Demian, Jean-Noël Grandhomme, Lucie Guesnier, Alina Pavelescu, Fabien Schaeffer, Florin Turcanu. »

  • L’enfant et l’homme-oiseau

    Roman, francophone, Roumanie, Sylvie Germain, Albin Michel, Jean-Pierre LongreLire, relire... Sylvie Germain, Le vent reprend ses tours, Albin Michel, 2019, Le livre de poche, 2021

    Nathan, enfant inattendu, venu au monde comme un intrus, un « fantôme », a été élevé non sans soins, mais sans véritable amour, par sa mère Elda. En grandissant, il se met à fuir les autres, pris d’une sorte de bégaiement qui le laisse « bouche entrouverte, les yeux embués, l’air ahuri », et qui en fait la risée de ses congénères. Or au cours de sa dixième année, sa mère remarque que son « trouble » disparaît. « L’enfant timoré et bredouillant est même devenu plus ouvert, presque bavard et enjoué par moments, utilisant des mots insolites, des tournures biscornues ou inhabituelles, citant des vers dont elle n’était pas sûre qu’il en saisît toujours le sens. ». L’explication de cette renaissance ? Il a rencontré Gavril, « saltimbanque monté sur des échasses », débiteur de syllabes incongrues, tripatouilleur de mots et de poèmes qu’il murmure à travers une espèce de tube qu’il nomme « poèmophone », homme-orchestre, joueur d’ « olifantastique » et autres instruments étranges…

    Une amitié complice naît entre eux, et alors commencent pour Nathan les « années Gavril », homme au passé tourmenté, qui a connu les dictatures, la violence, l’exil, et qui vivote de boulots précaires tout en versant du côté de la joie de vivre et de la fantaisie avec ses spectacles de rue. Sa fréquentation assidue bien qu’irrégulière a permis au garçon d’échapper « à l’ennui, à la routine, et surtout à la solitude et à l’inquiétude », et de développer son imagination, de « dynamiser ses pensées, ses rêves ».

    roman,francophone,roumanie,sylvie germain,albin michel,jean-pierre longreDe nombreuses années plus tard, en 2015, alors que la morne vie de Nathan ne s’est pas remise de ce qu’il croyait être la mort de son « homme-oiseau » dans un accident de moto dont il se juge responsable, il apprend que Gavril, qui était resté en vie, vient de disparaître de l’hôpital où il végétait, et qu’il est mort noyé dans la Seine. Taraudé par le remords de n’avoir rien su, à cause d’un mensonge, pense-t-il, de sa mère, il entame une longue enquête rétrospective sur son vieil ami, grâce notamment aux enregistrements effectués par l’assistante sociale qui l’avait pris sous son aile. Son ascendance mi allemande mi tsigane, sa vie en Roumanie, l’oppression, le pénitencier, la fuite en France… Et voilà Nathan parti sur les traces de Gavril dans son pays d’origine : Timişoara et les villages du Banat, Bucarest, l’ « enfer carcéral » de Jilava, le Bărăgan, le delta du Danube… Autant de découvertes qui entrent en résonance avec ce que les deux amis avaient vécu ensemble.

    La mémoire des événements rapportés ou vécus libère celle des mots et de la poésie. Car c’est elle, la poésie, qui, transcendant les joies et les souffrances de la vie, est le vrai fil conducteur du roman de Sylvie Germain. Depuis le bégaiement involontaire de l’enfant jusqu’au bégaiement « volubile » du poète roumano-français Ghérasim Luca (lui aussi mort, comme son ami Paul Celan, noyé dans la Seine), depuis les désarticulations verbales que Gavril opérait sur les textes de Rimbaud, Apollinaire, Ronsard, Queneau, Prévert, Mallarmé, Hugo (on en passe) jusqu’au souvenir de Benjamin Fondane et aux vers d’Ana Blandiana, c’est, par « les voix des poètes morts », le fond véritable de la vie humaine qui passe à travers la respiration du langage, et c’est « l’espoir oublié » qui renaît.

    Jean-Pierre Longre

    www.albin-michel.fr

    www.livredepoche.com

  • Quelques parutions récentes

    Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Norman Manea, Le retour du hooligan, traduit du roumain par Nicolas Véron et Odile Serre, préface d’Olivier Guez, Points, 2021

    "Qu'est-ce qu'un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ?"

    « L’exil a duré dix ans. Norman Manea revient dans sa Roumanie natale où le communisme s'est effondré, mais où rien n'a vraiment changé. Entre réalité et fiction, le souvenir affleure : sa mère est morte, le communisme s’est effondré et les fantômes du passé voilent son regard. Reste la douleur lancinante d’avoir fui sa patrie véritable : sa langue maternelle.

    Né en 1936 à Bucovine, Norman Manea s'est exilé aux États-Unis en 1987. Auteur d'une dizaine de romans, il est l'écrivain roumain contemporain le plus traduit. Le Retour du hooligan a reçu le prix Médicis étranger 2006. »

     

    Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Nicoleta Esinencu, L'Évangile selon Marie – Trilogie, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, L’Arche, 2021

    « Au commencement était le Verbe

    Et l’homme accapara le Verbe...

    Et l’homme dit à la femme de se taire. »

    « L’Évangile selon MarieL’Apocalypse selon Lilith et L’Arche de Noréa célèbrent la parole de la Femme, libérée des violences subies au sein des sociétés patriarcales. Une nouvelle Bible s’écrit au travers de trois dissidentes : Marie Madeleine, Lilith et Noréa. Animée d’un souffle poétique libérateur, cette trilogie mêle souvenirs d’enfance, détournement de prières traditionnelles, et récits de femmes de différentes générations, classes et cultures. Dans cette nouvelle liturgie, Nicoleta Esinencu abat les piliers des civilisations occidentales essoufflées, en faveur d’une reconstruction du monde au féminin.

    Ce recueil est composé des textes suivants :

    • L'Évangile selon Marie (Evanghelia după Maria, traduction Nicolas Cavaillès)
    • L'Apocalypse selon Lilith (Apocalipsa după Lilith, traduction Nicolas Cavaillès)
    • L'Arche de Noréa (Arca Noreei, traduction Nicolas Cavaillès). »

     

     

    Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Oana Lohan, Mars violet, Les éditions du chemin de fer, 2021

    “Se barrer à vingt ans d’un pays qui sort d’une dictature atroce et ouvre ses frontières, rien d’étonnant là-dedans. Franchement ça a été la première chose réellement bandante qu’elle ait faite depuis sa naissance. Ou presque.”

    « Mars Violet est un roman total, un roman monstre. Oana Lohan, met tout ce qui fait sa vie, son éducation, la révolution, les blessures et les deuils, la fuite, l’exil ou le retour, les amours et les errances dans ce texte furieusement intime et complètement rock.

    Le pivot du livre, c’est une nuit de décembre 89 aujourd’hui entrée dans l’histoire, le soir où les Ceausescu vont tomber, le jour où la Roumanie communiste va finir, pour entrer tout à trac dans le magma du capitalisme sauvage. Mais cette Histoire avec un H majuscule a une tout autre saveur quand elle est vécue au ras des événements, quand elle est racontée à chaud par une jeune fille un peu bizarre et son groupe d’amis, partis à la recherche d’un des leurs disparu, eux-mêmes égarés dans les circonvolutions d’une nuit de révolution qui mêle la panique à l’exaltation, l’incompréhension à l’inquiétude.

    Oana Lohan tisse une toile narrative complexe où se croisent des souvenirs d’enfance, ceux de la Roumanie communiste dans laquelle elle a grandi, des souvenirs plus intimes ou formateurs, ceux de l’Europe postcommuniste où elle a poursuivi sa voie et sa soif d’expérience de la fin des années 80 à nos jours. On y croise une foule de personnages décrits en touches de couleurs vives qui dresse, au-delà du portrait autobiographique, le portrait intime et déjanté d’un pays aujourd’hui disparu, la Roumanie d’avant 89.

    Ce roman est un alcool fort que l’on déguste en gorgées avides »

     

    Essai, Théâtre, Roman, Roumanie, Norman Manea, Nicolas Véron, Odile Serre, Olivier Guez, Nicoleta Esinencu, Nicolas Cavaillès, Oana Lohan, Florina Ilis, Marily Le Nir, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, Points, L’Arche, Les éditions du chemin de fer, Éditions des Syrtes, Le Matricule des anges.Florina Ilis, Le livre des nombres, traduit du roumain par Marily Le Nir, Éditions des Syrtes, 2021

    « Le Livre des nombres est un roman monumental, à la fois fresque historique, saga familiale et monographie d’un village d’Europe centrale. Il embrasse un siècle de l’histoire mouvementée de la Transylvanie, ballottée entre l’Empire austro-hongrois, la Hongrie puis la Roumanie, tragiquement secouée par l’instauration du régime communiste.

    Le lecteur est plongé dans l’entreprise d’un auteur qui tente d’écrire la chronique de sa famille. Il s’y emploie en interrogeant ses proches, en feuilletant des albums de photographies, en fouillant dans les archives de la police secrète, en lisant des Mémoires ou en écoutant des bandes magnétiques ; mais aussi en faisant appel à son imaginaire capable de toutes les transgressions. Peu à peu, devant ses yeux, se tisse ainsi l’épopée de deux familles apparentées, sur quatre générations, qui trouve des échos incessants dans le présent. Grâce à une construction littéraire magistrale, les disparus se racontent autant que les survivants ou leurs descendants. Et leur parole recompose la mémoire collective et un arbre généalogique séculaire, bien ancré dans la terre, dont les branches déploient des noms que l’Histoire n’a pas retenus.

    Née en 1968, Florina Ilis est sans doute l’écrivaine la plus douée de sa génération et l’une des grandes plumes de littérature roumaine contemporaine. Elle débute en 2000 avec un recueil de haïkus, mélange de poésie et de calligraphie.
    En 2010 paraît en français La Croisade des enfants et en 2015, Les Vies parallèles.
    Outre le prix Courrier international du meilleur roman étranger 2010 pour La Croisade des enfants, elle est lauréate de nombreux prix littéraires roumains et internationaux. »

     

    Le Matricule des anges (« le mensuel de la littérature contemporaine ») n° 223, mai 2021, contient plusieurs articles sur des livres roumains ou franco-roumains : L'Évangile selon Marie de Nicoleta Esinencu, Mars violet d’Oana Lohan, Le livre des nombres de Florina Ilis, Solénoïde de Mircea Cărtărescu, traduit par Laure Hinckel, réédité chez Points (http://jplongre.hautetfort.com/archive/2019/12/12/tout-est-reel-toujours-6197393.html#more).

  • « Tout est réel, toujours »

    Roman, Roumanie, Mircea Cărtărescu, Laure Hinckel, les Éditions Noir sur Blanc, Jean-Pierre LongreMircea Cărtărescu, Solénoïde, traduit du roumain par Laure Hinckel, les Éditions Noir sur Blanc, 2019, réédition Points, 2021

    Prix Millepages 2019

    Prix Transfuge 2019 du meilleur roman européen

    La parution d’un roman de Mircea Cărtărescu est toujours un événement. C’est évidemment le cas ici, et plus encore : Solénoïde est un monument ; pas seulement par les dimensions extérieures du livre, mais aussi et surtout par ce qu’il renferme. Un monument qui, à l’image finale de Bucarest, le lieu de tout, se mettrait en mouvement – et alors les images se précipitent dans la tête du lecteur. Ce pourrait être celle d’un torrent que l’on tente de suivre, dont on tente de scruter les flots, le courant, le fond, les obstacles, et dont on prélève le plus souvent et le mieux possible quelques décilitres d’eau pour les examiner, avant de continuer la poursuite. Ou alors celle du labyrinthe dans lequel on se perd, on se retrouve, on se reperd en tenant un fil d'Ariane dont on espère qu'il mènera vers une issue. Ou encore celle de la spirale que l’on suit en mouvements ascendants et descendants – et dans ce cas on s’approche de l’objet qui sous-tend le roman et qui lui donne son titre. L’objet, ou les objets, puisque le sous-sol de Bucarest est parsemé de plusieurs machines du même type, les solénoïdes, ces grosses bobines en forme de spirale qui créent des vibrations et qui mettent les êtres et les choses (voire une ville entière) en mystérieuse lévitation.

    roman,roumanie,mircea cărtărescu,laure hinckel,les Éditions noir sur blanc,jean-pierre longreMais ce thème central du roman n’en est, justement, qu’un aspect révélateur. Solénoïde est un roman aux multiples facettes, sorte de Recherche du temps perdu qui aurait été modelée par les mains de Lautréamont, de Raymond Roussel, des surréalistes et de Kafka (on en passe, car finalement les mains essentielles sont bien celles de Cărtărescu). Le canevas narratif est simple : un professeur de roumain qui a échoué dans un collège de banlieue et qui aurait voulu être écrivain (le double inversé de l’auteur, en quelque sorte), se raconte, en une superposition des souvenirs d’enfance et de la relation du présent dans une société minée par la dictature, la pauvreté matérielle et morale, mais dont certains membres sont sauvés par la vie mentale et par l’amour. Le rêve, les apparitions nocturnes, le surgissement de l’inconscient, tout cela est inscrit dans la vie.  « Tu ne pouvais pas planter le rêve dans le monde, car le monde lui-même était un rêve. ». C’est pourquoi « la chasse au rêve suprême, orama » est l’un des chemins à suivre, sur les traces de Nicolae Vaschide, spécialiste reconnu de la question, et ancêtre d’une belle et inaccessible collègue du narrateur. Tout se tient, vous dit-on : la réalité historique et scientifique, la fiction, le rêve… et tout cela crée le réel.

    Outre les récits de rêves, nombre de motifs peuplent ce récit grouillant d’êtres vivants, humains et animaux. Voyez les poux, tiques, sarcoptes de la gale, acariens et autres insectes microscopiques donnant une idée de l’infiniment petit au regard de la vastitude du ciel aux étoiles menaçantes, de la ville fantasmée avec ses avenues, ses dédales de rues, ses souterrains, ses couloirs, ses usines, ses machineries, ses « veines » et ses « artères », sa nudité : « Quand les monceaux de neige ont disparu, Bucarest s’est offerte aux regards comme un squelette aux os dispersés. Qui aurait cru que sa décrépitude de toujours – le baroque sinistre de sa ruine – puisse devenir deux fois plus triste et plus désespérée ? ». Récit grouillant aussi de faits et d’événements plus ou moins étranges : disparitions et réapparitions énigmatiques, manifestations de « piquetistes », secte protestant avec véhémence contre la mort et faisant résonner à l’infini un pathétique « à l’aide », acquisition d’une maison/bateau dont le narrateur n’aura jamais fini d’explorer les prolongements horizontaux et verticaux, anecdotes liées à l’école (celle de l’enfance, celle de l’âge adulte), mariage rapidement interrompu par le changement dramatiquement radical de l’épouse, puis l’amour, le véritable, trouvé avec Irina, et la naissance d’une petite fille, le rappel de livres précédents (par exemple La Nostalgie, avec l’évocation du « REM »)… Le tout passé au crible de l’humour parfois dévastateur d’un Cărtărescu jouant malicieusement avec son propre destin d’écrivain à partir de la lecture publique d’un poème (significativement intitulé La Chute), s’adonnant mine de rien à la ravageuse satire politico-psychosociale d’un régime jamais nommé mais omniprésent, qui gangrène la société, l’école, les familles, les individus dans leur comportement quotidien, et maniant d’une façon impayable et efficace le portrait-charge ; on serait tenté de tout citer en guise de preuve – et il faut lire les descriptions de salle des professeurs, ou le récit de la collecte obligatoire par les élèves des bouteilles, bocaux et vieux papiers tournant à l’épopée absurde et bouffonne…

    Roman fantastique dans tous les sens du terme, en vérité roman réaliste, roman humoristique, roman « limpide comme le jour et complètement inintelligible » comme l’est la vie, roman dont les particularités de ton, de style, de lexique sont fidèlement rendues en français grâce à un remarquable travail de traduction, Solénoïde pourrait être une tragédie, celle de la « devinette du monde », celle de la destinée humaine. S’il s’agit bien de celle-ci, elle aboutit, peut-être contre toute attente mais dans une belle perspective, au triomphe de l’amour : « La devinette du monde, enroulée, intriquée, accablante, perdurera, claire comme de l’eau de roche, naturelle comme la respiration, simple comme l’amour et […] elle se versera dans le néant, vierge et non élucidée. ». Finalement, c’est la plongée dans le bonheur, même sous la menace d’une statue géante, sorte de commandeur infernal : « Nous nous sommes enlacés, la petite entre nous deux, soudain incroyablement heureux et ne nous souciant plus d’aucune statue ni d’aucune porte. ».

    Jean-Pierre Longre

    www.editionspoints.com

    www.leseditionsnoirsurblanc.fr

    https://laurehinckel.com

    …et du même Mircea Cărtărescu vient de paraître :

    roman,roumanie,mircea cărtărescu,laure hinckel,les Éditions noir sur blanc,points,an-pierre longreMelancolia, traduit par Laure Hinckel, les Éditions Noir sur Blanc, 2021

    « Ce sont trois longues nouvelles encadrées par deux contes. Melancolia est un livre sur l’expérience de la séparation, sur ce trauma qui a marqué notre naissance et, par la suite, chacune de nos métamorphoses. L’immense écrivain Mircea Cărtărescu en fait ici l’étude à travers trois étapes de la vie : la petite enfance, l’âge de raison, l’adolescence.

    Un enfant de cinq ans, dont la mère est sortie, se persuade qu’il a été abandonné : « C’est là le point de départ de la mélancolie, de ce sentiment que personne ne nous tient plus par la main. » Isabel et Marcel, frère et sœur, vivent au sein d’une famille ordinaire comme deux enfants perdus dans la forêt profonde. Lorsque la fillette tombe malade, son frère se jure d’obtenir sa guérison en partant affronter ce qui le terrifie le plus. Un adolescent se questionne sur la différence sexuelle. Il tombe amoureux. Son corps change : mois après mois, il range dans une armoire les peaux devenues trop petites…

    Magnifiques variations sur les grands thèmes de l’auteur : le passage du temps, la poésie, le réel et l’irréel, le masculin et le féminin. »

     

     

  • Parutions récentes

    Essai, Histoire, roman, francophone, Roumanie, Gabriel Leanca, L’Harmattan, Sylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, Ex AequoL’entrée de la Roumanie dans la grande guerre. Documents diplomatiques français (28 juillet - 29 décembre 1914) réunis, présentés et commentés par Gabriel Leanca, éditions L’Harmattan, 2020

    "La politique du Quai d'Orsay à l'égard de l'Europe du Sud-Est dans les six premiers mois de la Grande Guerre est simple : celle-ci vise à amener les petits États de cette région à se solidariser avec l'Entente. Le cas de la Roumanie témoigne d'une situation complexe, devant laquelle se sont trouvés les diplomates français. Du côté de la Bulgarie plane également l'incertitude à l'égard de la guerre. La diplomatie française comprend qu'elle doit s'entremettre entre la Russie et la Roumanie pour faciliter le dialogue entre les deux voisins et proposer une stratégie cohérente de l'Entente pour les Balkans. L'entrée en guerre de la Roumanie est la suite des initiatives franco-russes qui ont débuté précisément en 1914."

    https://www.editions-harmattan.fr

     

     

    Essai, Histoire, roman, francophone, Roumanie, Gabriel Leanca, L’Harmattan, Sylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, Ex AequoSylvain Audet-Gainar, Micmac à Bucarest, éditions Ex Aequo, 2020 

    "Arthur Weber, futur papa, se retrouve malgré lui impliqué dans des affaires d'assassinats... ses origines mystérieuses auraient-elles un lien avec ces crimes ?

    Octobre 2018.
    Né en Roumanie de père inconnu pendant le communisme, Arthur qui a passé toute sa vie en France habite depuis deux ans à Bucarest où il file le parfait amour avec Iulia.
    Alors que le jeune homme se prépare, non sans quelque difficulté, à devenir père, il connaît toute une série de déboires. Accusé tout d’abord d’avoir commis plusieurs assassinats, il peine à prouver son innocence tandis que la découverte d’une curieuse note rédigée par sa mère quelques mois après sa naissance l’oblige à se confronter au mystère de ses origines.
    Qui était son géniteur ? Qui est celle ou celui qui cherche à lui faire porter le chapeau de tous ces crimes ? Ces deux affaires-là ont-elles un lien entre elles ?
    Dans tous les cas, cette double enquête, dont Arthur se serait bien passé, le contraint à se plonger dans une des périodes les plus troubles de l’histoire de sa mère mais également de la Roumanie, à avancer à tâtons dans un labyrinthe aux impasses et aux embûches innombrables et surtout, à devoir faire équipe avec une bande de détectives amateurs particulièrement loufoques.

    Faisant suite aux aventures d’Arthur Weber dans Du Rififi à Bucarest, ce roman propose au lecteur de poursuivre la découverte de la Roumanie sous des angles inédits, son histoire trouble et mouvementée, sa culture foisonnante mais également sa capacité stupéfiante à la résilience et son sens irrépressible de l’humour.

    À PROPOS DE L'AUTEUR

    Sylvain Audet-Găinar est né en 1980 et a fait des études de Lettres à Lyon, à Strasbourg et à Bucarest. Fasciné par la Roumanie, il y a vécu et enseigné le français pendant de longues années. Après avoir traduit plusieurs polars roumains, il a fini par se lancer dans l’écriture de ses propres romans. Son premier ouvrage a paru en 2020 sous le titre Du Rififi à Bucarest."

    https://editions-exaequo.fr

  • Un monstre angélique

    Roman, essai, Roumanie, Matei Calinescu, Nicolas Cavaillès, Thomas Pavel, Scari Kaiser, Circé, Jean-Pierre LongreMatei Calinescu, La Vie et les opinions de Zacharias Lichter, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, préface de Thomas Pavel traduite de l’anglais par Scari Kaiser, Circé, 2020

    Universitaire, critique et essayiste de renom, Matei Calinescu (1934-2009) a publié un seul roman en 1969, La Vie et les opinions de Zacharias Lichter. Un roman ? Certes, l’auteur manie à merveille l’art du récit, relatant avec maints détails alertes tel épisode de la jeunesse de son héros en voyage à la mer, ou telle relation de voisinage avec une vieille femme mourante ; à merveille aussi, l’art du portrait pittoresque : ceux par exemple du « seul ami essentiel de Zacharias Lichter », Leopold Nacht (les deux font la paire, lumière et nuit), du mathématicien W. « l’œil pétillant, gorgé d’une effervescence destinée, semble-t-il, à accroître la mobilité en tout cas extraordinaire de toute sa physionomie », et bien sûr celui de Zacharias lui-même, qui inaugure le roman, et qui plante un personnage à « l’aspect misérable de mendiant en haillons », au « comportement insolite », « mélange énigmatique d’angélique et de monstrueux », parlant « comme un torrent »…

    Mais voilà un roman qui, plus qu’il ne narre des anecdotes, manie en brefs chapitres les concepts de toutes sortes : la bêtise, l’imagination, la pauvreté, la richesse, l’enfance, la vieillesse, la maladie, la mort, l’innocence, la culpabilité, l’amour, l’amitié, le masque, le mensonge, le courage, la timidité etc. Rien de banal dans ce catalogue d’idées, bien au contraire. Pour Zacharias Lichter, qui tient de Job et de Diogène et qui revendique « sa condition de clown ironique », « tous les hommes sont des clowns […] mais peu d’entre eux ont la révélation métaphysique de cette condition. Parmi les clowns lucides, il en est peu qui aient la vocation spirituelle de la folie ». Notre héros manie avec une remarquable dextérité l’art du paradoxe (car « l’acte de connaissance authentique s’achève toujours dans le paradoxe et dans le mystère », et « l’homme pressé […] fait du sur place »), et même de l’oxymore : l’un des poèmes qui ponctuent le texte (un poème d’ailleurs ramassé dans une poubelle par le biographe de Zacharias) est fondé sur cette figure : « Si distante la proximité / si claire l’obscurité / si simples les méandres / divine grandeur du petit / divine petitesse du grand… ».

    Notre « fou sacré », notre monstre angélique d’ironie, qui dénonce à l’envi le « vampirisme de la lucidité », le narcissisme des mathématiques, « la dialectique de la suavisation », le mensonge du langage ou l’erreur du suicide, et qui souligne le rôle primordial de l’interrogation sans réponse, est aussi bien moraliste que poète. Le recours à l’absurde (comparable à celui d’Urmuz, de Ionesco ou de Beckett) se double d’un talent poétique à la Lautréamont. Mais ce ne sont que des comparaisons, et la parodie n’est pas loin. La pureté de la révolte, la flamme de la folie passant par « l’abîme de la perplexité », voilà ce que nous enseigne avec originalité  Zacharias Lichter, via l’écriture romanesque de Matei Calinescu.

    Jean-Pierre Longre

    www.editions-circe.fr

  • Les bris et les promesses d’une enfance

    roman, moldavie, roumanie, tatiana Ţibuleac, philippe loubière, Éditions des syrtes, jean-pierre longreTatiana Ţibuleac, Le jardin de verre, traduit du roumain par Philippe Loubière, Éditions des Syrtes, 2020

    Lastotchka, orpheline (ou abandonnée par ses parents ? Elle le saura plus tard), est adoptée par Tamara Pavlovna, ramasseuse de bouteilles à Chişinau. La voilà qui découvre un monde où l’on a chaud, où l’on peut manger à sa faim, et où les gens éprouvent des sentiments. Certes, la vie ne va pas être facile : ramasser des bouteilles sales par tous les temps, les nettoyer pour gagner quelques roubles (la Moldavie faisait partie à cette époque de l’URSS), apprendre le russe mais choisir à l’école la langue moldave… Lastotchka expérimente la vie avec les autres, enfants et adultes qui fréquentent la cour de l’immeuble – toute une vie de cour, avec ses péripéties, ses rumeurs, son agitation, ses moments de sérénité. Et elle fait des projets d’avenir : devenir docteur, ce qui se réalisera – nous l’apprenons au cours des excursions que la narratrice fait dans son présent.

    En brefs tableaux successifs, les souvenirs affluent, heureux, malheureux, apaisés, violents… Souvenirs personnels et collectifs, le travail et l’école, les fluctuations de la sensibilité et les prémices de la sensualité, les douceurs et les duretés de l’enfance dans une société où la rigidité et la solidarité, la tendresse et la jalousie s’entremêlent, le tout sur fond d’histoire tourmentée : Tchernobyl et les risques encourus, Gorbatchev et la « glasnost », l’éclatement de l’URSS et l’indépendance de la Moldavie, échéance qui va coïncider avec l’admission de Lastotchka à la faculté de médecine, sans que cela soit synonyme de bonheur : « Mais, où a-t-on vu que le printemps tenait ses promesses de changement ? Pour nous, il n’a rien tenu. […] Tout ce que j’avais appris ou aimé gisait en moi comme des bris de verre. […] J’ai tiré un trait sur ce que j’avais appelé jusqu’alors le bien et je me suis consacré aux études. Avec le même acharnement qu’autrefois, quand j’avais sept ans. Devenir docteur, c’est tout ce qui me restait. » Et elle donnera naissance à une petite fille à l’extrême fragilité, appelée Tamara comme la femme qui l’avait recueillie.

    Au centre du récit, comme au centre d’un caléidoscope, ce bel objet coloré que Lastotchka a un jour sauvé de la destruction et tenté de réparer, il y a la langue, vrai personnage récurrent, moteur et instrument de la narration : la langue russe, que Tamara Pavlovna fait entrer de force dans le crâne de la fillette ; la langue moldave, qui va devenir le roumain, la langue de Lastotchka comme celle de Tatiana Ţibuleac.. C’est la langue de ce récit adressé aux parents inconnus, parsemé de courts poèmes, un récit dont les 167 chapitres, comme autant de tessons de bouteilles semés dans le jardin de la mémoire, sont à l’image mouvante d’une vie morcelée, faite de souffrances, de rêves, d’énigmes et de promesses d’un « monde nouveau ».

    Jean-Pierre Longre

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  • Quelques parutions récentes

    roman, essai, poésie, Roumanie, Ioan Popa, Marius Popa, Rodica Draghincescu, Grégory Rateau, éditions Non Lieu, Honoré Champion, éditions Caractères, L’Harmattan, PoliromIoan Popa : Terre du salut, Non Lieu, 2019

    « La Terre du salut, c’est sans doute ce coin de campagne roumaine, à une centaine de km de Bucarest, la commune rurale de Dârmănești où les terres furent collectivisés quand les communistes prirent le pouvoir. Là vit la famille Zemlan : à travers les souvenirs du père, Dimitriu, nous remontons dans le passé de la Roumanie, la Seconde Guerre mondiale, la fin de la royauté, la mise en place du régime communiste. Au présent nous vivons le quotidien des fermes socialistes, la dureté du travail, les relations souvent chaleureuses entre les villageois. Avec le fils, Alexandru, nous quittons la campagne pour le monde de l’industrie, les usines automobiles Dacia, puis pour l’armée, l’école de formation des officiers de chars de combat et la caserne : le jeune homme découvre toutes les failles de la société socialiste.

    Grande fresque historique, qui fait la part belle aux sentiments des hommes, aux amours passionnés d’Alexandru et de la belle Ecaterina, qui met en scène une multitude de personnages souvent hauts en couleurs, Terre du Salut raconte un monde qui avait ses grandeurs et ses faiblesses, qui se délite peu à peu et qui s’achève avec la chute de Ceauşescu. »

    www.editionsnonlieu.fr

     

    roman, essai, poésie, Roumanie, Ioan Popa, Marius Popa, Rodica Draghincescu, Grégory Rateau, éditions Non Lieu, Honoré Champion, éditions Caractères, L’Harmattan, PoliromMarius Popa, Présence du classicisme français dans la critique littéraire roumaine. De la révolution de1821 à la fin du communisme. Honoré Champion, 2020

    « Cet ouvrage répertorie, analyse et interprète les références au classicisme français et le rôle qu’il a joué dans la critique littéraire roumaine, depuis la Révolution de Tudor Vladimirescu (1821) jusqu’à la chute du régime communiste (1989). Après avoir replacé la réception du modèle dans le cadre de l’histoire de la Roumanie et de ses relations politiques et intellectuelles avec la France, notamment par une étude de la traduction des classiques français en langue roumaine, suivie d’une analyse généalogique et esthétique du concept de « classicisme français », le volume restitue, dans le contexte de chaque grande époque de la modernité roumaine, puis, pour chacune de ces périodes, à travers l’étude plus spécifique de quelques écrivains et critiques choisis comme les plus représentatifs en cette matière, la persistance et le renouvellement de l’image du classicisme français, lui-même fréquemment perçu et analysé comme l’expression nationale d’un classicisme « universel ». Le cheminement chronologique permet de dégager les trois usages majeurs que la critique roumaine a faits de la référence à cette catégorie esthétique et historique : celui de modèle pour une création littéraire qui se cherchait, celui de critère pour son évaluation et celui d’enjeu dans le cadre des débats suscités par les courants nouveaux qui auront animé la vie littéraire roumaine depuis son émergence jusqu’à la presque fin du XXe siècle. »

    https://www.honorechampion.com

     

    roman, essai, poésie, Roumanie, Ioan Popa, Marius Popa, Rodica Draghincescu, Grégory Rateau, éditions Non Lieu, Honoré Champion, éditions Caractères, L’Harmattan, PoliromRodica Draghincescu, L’adversaire de soie et de cendres, éditions Caractères, 2019.

    « Dans ces poèmes, l'auteure, enfant des campagnes roumaines, se penche sur son parcours et sa vie. » 

    www.editions-caracteres.fr

     

     

    roman, essai, poésie, Roumanie, Ioan Popa, Marius Popa, Rodica Draghincescu, Grégory Rateau, éditions Non Lieu, Honoré Champion, éditions Caractères, L’Harmattan, PoliromGrégory Rateau, Hors-piste en Roumanie, « Récit du promeneur », L’Harmattan, 2016. Traduction roumaine : Hoinar prin România. Jurnalul unui călător francez, Polirom, 2020.

    « De la Roumanie, on ne connaît au fond que le folklore et le mythe du vampire de Transylvanie. Ignoré, quand il n’est pas méprisé, ce pays, intégré dans l’Union européenne depuis 2007, fait l’objet de beaucoup d’a priori. Partant de ce constat, l’auteur, cinéaste de formation, a voulu ‘ en faire une idée neuve. De Bucarest, la capitale, à la campagne reculée, des forêts des Carpates aux plages qui bordent le Danube, l’auteur s’en est allé à la rencontre du hors-piste. »

    www.editions-harmattan.fr

    roman, essai, poésie, Roumanie, Ioan Popa, Marius Popa, Rodica Draghincescu, Grégory Rateau, éditions Non Lieu, Honoré Champion, éditions Caractères, L’Harmattan, Polirom

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  • Les épreuves du cœur et du corps

    Roman, Roumanie, Camil Petrescu, Laure Hinckel, Éditions des Syrtes, Jean-Pierre LongreCamil Petrescu, Dernière nuit d’amour, première nuit de guerre, traduit du roumain par Laure Hinckel, Éditions des Syrtes, Syrtes Poche, 2019

    Camil Petrescu (1894-1957), dramaturge et romancier, est un « classique » et, ce qui n’est pas incompatible, l’un des premiers écrivains « modernes » de la littérature roumaine. Héritier et précurseur, donc : Dernière nuit d’amour, première nuit de guerre, dont la première édition roumaine date de 1933, et dont cette réédition en français est la bienvenue, témoigne brillamment de cette dualité.

    Le récit est divisé en deux livres distincts : le premier, après une introduction « en montagne », relate l’histoire d’amour que le protagoniste vit avec Ela, qu’il a connue à l’université ; après leur mariage, leurs relations deviennent orageuses, minées par le mensonge, les histoires d’argent et la jalousie. Nous sommes en 1916, et la Roumanie entre dans le conflit contre l’empire austro-hongrois et l’Allemagne. C’est la mobilisation sur la frontière entre le royaume de Roumanie et la Transylvanie, et la « dernière nuit d’amour » (fort mouvementée) va correspondre à la « première nuit de guerre », titre du deuxième livre. Cette nuit, qui superpose les deux grands thèmes du roman, est le point de jonction entre deux parties apparemment bien différentes mais qui, à vrai dire, ont un certain nombre de points communs.

    Car on ne peut s’empêcher de déceler un parallèle entre les affres et les revirements de l’amour d’une part, les tribulations et les souffrances de la guerre d’autre part. Le narrateur est durement éprouvé dans son cœur et dans son corps. Il y a chez Camil Petrescu des pages subtiles sur les louvoiements des sentiments, dignes de Proust, et des pages sur la guerre, tirées d’expériences vécues, qui peuvent faire penser au Stendhal de La Chartreuse de Parme. Et à un art consommé du portrait s’ajoutent des réflexions sur l’esprit humain, le destin, la politique, l’art de la guerre, la philosophie, le mariage – fort sérieusement : « Je ne suis pas religieux, mais je crois toutefois dans ce que le catholicisme a de plus profond : par une pure élaboration spirituelle, mari et femme sont prédestinés depuis la création du monde à être, au-delà des catastrophes de la vie, unis et égaux l’un à l’autre, dans cette vie comme dans l’éternité future. C’est une des plus belles images que la pensée humaine ait créées. ». Plus encore, nous assistons à une série de variantes sur le temps qui passe : souvenirs, accélérations – un temps lié à l’identité et à l’espace : « Était-ce donc moi qui hier, civil encore, pieds et poings liés à quarante ans de paix, jouais une enthousiaste partie de dominos à l’heure de midi ? […] Il y avait tant de chemin parcouru entre ces deux jours, que les événements d’avant-hier étaient perdus dans les lointains, auprès de ma petite enfance, et les deux, fort distants de celui que j’étais désormais ; de même que le village natal se rapproche étrangement du village voisin quand on est très loin dans une ville inconnue, au milieu d’autres gens. ». Le roman de Camil Petrescu combine avec brio les séductions de la narration et les subtilités de la réflexion.

    Jean-Pierre Longre

    https://editions-syrtes.com

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