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roumanie - Page 8

  • Sulina, vie et mort

    Roman, Roumanie, Jean Bart, Eugeniu Botez, Gabrielle Danoux, Jean-Pierre LongreJean Bart, Europolis, traduit du roumain par Gabrielle Danoux, 2016  

    Eugeniu Botez (1874-1933), commandant de marine et écrivain, rendit un bel hommage à l’un des plus fameux corsaires français en signant ses livres du pseudonyme de Jean Bart. Donc ne nous y trompons pas. Europolis est bien un roman roumain, dont l’action se déroule dans une ville cosmopolite, entre Orient et Occident, aux limites de la terre et de l’eau, entre fleuve et mer : à l’embouchure du Danube, dans un port qui, entre XIXe et XXe siècle, (le livre fut publié en 1933), ne vivait que du trafic maritime. Avant d’être envahie par les bancs de sable, Sulina était une porte grand ouverte : « Après la guerre de Crimée, c’est l’Europe qui est entrée en possession de cette clef qu’elle tient d’une main ferme et ne compte plus lâcher : elle ne la confie même pas au portier, qui est en droit d’en être le gardien. ». Tenue par la « Commission européenne du Danube » (d’où le titre du livre), la ville roumaine est une « tour de Babel » où se côtoient Roumains, Grecs, Turcs, Russes, Lipovènes, occidentaux divers, « marins, commerçants, artisans, portefaix, escrocs, vauriens, femmes de toutes sortes. ».

    Roman, Roumanie, Jean Bart, Eugeniu Botez, Gabrielle Danoux, Jean-Pierre LongreLà, entre bistrots et quais, entre maisons bourgeoises et taudis, tous, notables comme prolétaires, attendent l’arrivée du frère de Stamati, « l’Américain », qui en tant que tel doit forcément être riche et est accueilli en héros. Las ! Nicula Marulis, sur qui étaient fondés tous les espoirs de richesse et de développement, s’avère être un ancien bagnard de Cayenne qui pour tout bien ramène sa fille Evantia, jeune et magnifique métisse, qui va faire tourner la tête des hommes et crever de jalousie les dames. Vont s’ensuivre diverses aventures accompagnées de rumeurs, de secrets plus ou moins dévoilés, de coups de théâtre, d’idylles et de tragédies amoureuses, dans la tradition du drame populaire – d'où l’humour toutefois n’est pas absent, ne serait-ce que par le burlesque de certaines scènes, par la satire sociale ou par quelques plaisanteries teintées d’une misogynie à prendre au second degré.

    Europolis est une fresque qui, à partir du petit point qu’est Sulina, transporte le lecteur entre Mer Noire et continent américain, aller et retour, et décrit en profondeur la vie locale. Les scènes de foule, les portraits hauts en couleur, la vie et les loisirs des travailleurs, la description des manœuvres navales et portuaires, l’évocation du Delta du Danube, tout fait l’objet d’une verve tantôt réaliste, tantôt épique, voire héroï-comique. On ne peut s’empêcher de penser à la tradition homérique (l’une des héroïnes ne s’appelle-t-elle pas Penelopa ? Nicula Marulis, de retour de pays lointains, n’est-il pas un Ulysse décevant ? La navigation n’est-elle pas une composante primordiale du roman ?). Mais, plus contemporain de l’auteur, on pense aussi à Panaït Istrati : art du portrait vivant, vie grouillante d’une société aux origines et aux conditions mêlées, présence centrale du Danube, verve satirique, poésie du voyage : « Ce n’est que sur un navire aux voiles gonflées par le vent du large qu’on appréhende la beauté et la poésie de la mer. ». Et pour finir, cette profession de foi de l’un des protagonistes, le sous-lieutenant Neagu, qui « s’était créé une doctrine personnelle qu’il avait baptisée “humanitarisme positiviste″. » : « À force de trop aimer l’humanité j’ai fini misanthrope, à force de trop croire en la vérité et en la droiture, je suis devenu sceptique. ».

    Lire Europolis, dans cette nouvelle et belle traduction (après celle de Constantin Botez, publiée en 1958), c’est, en suivant la destinée d’une foule de personnages pittoresques, retrouver merveilleusement et tragiquement un monde disparu. « La porte de Sulina se referme à jamais. ».

    Jean-Pierre Longre

    https://www.amazon.fr/Europolis-Jean-Bart/dp/1536809829

    https://www.youtube.com/watch?v=V6KuusGgjS4

  • Marionnettes roumaines : rétrospectives, prospectives

    Revue, Roumanie, Marionnettes, ReCHERches, Hélène Lenz, Université de StrasbourgRevue ReCHERches n° 16/2016

    Coordonné par Hélène Lenz

    Présentation de l’éditeur :

    Les marionnettes de Roumanie et de Moldavie ont une histoire plurimillénaire. Textes, formes, scénographies ont été adaptés à des contraintes religieuses et politiques. Elles ont affronté les pouvoirs, accompagné les commerces, l’invention de fééries sous domination ottomane, dans l’empire austro-hongrois, sous le communisme et au-delà, hors frontières ou à l’intérieur. Leurs tribulations se prolongent aujourd’hui dans les ateliers, le théâtre, le cinéma d’animation.

    Avec une pièce inédite et des entretiens, sont réunis dans ce numéro douze articles de spécialistes qui révèlent les virtualités d’un genre non révolu et qui établissent un état des lieux de la seconde moitié du XXe siècle à nos jours.

    ISBN : 978-2-86820-941-2
    Format : 16 x 24 cm / 212 p.
    Prix public : 18 euros TTC
    En vente en librairie
    ou en commande en ligne

    pus.unistra.fr

  • Isidore Isou traduit en roumain

    Isidore Isou, Revolta Tineretului, éditions AcquAvivA, hors-série n°6, 1€, 1£, 1$, 1 RON

    Présentation :

    Le critique d’art et commissaire d’exposition Igor Mocanu vient de traduire pour la première fois un texte d’Isou en roumain (en dehors de “Adorable Roumaine”, seule traduction disponible du vivant d’Isou!). Il s’agit de la sixième traduction après l’anglais, le suédois, l’allemand, l’italien et le chinois du “Premier Manifeste du Soulèvement de la Jeunesse”, écrit par Isou en 1950 et publié sous la forme d’une affiche à coller sur tous les murs de la planète.

     

    commandes à : acquavivafrederic@gmail.com

    Link: http://www.mauricelemaitre.org/~pfs/fr/isidore-isou-traduit-en-roumain/

    Information d'Igor Mocanu http://igormocanu.wordpress.com/

  • Parutions récentes, été 2016

    Poésie, Autobiographie, Histoire, Roumanie, Constantin Acosmei, Nicolas Cavaillès, éditions hochroth Paris, Marie-Hélène Fabra-Bratianu, Paul Fabra, L’HarmattanConstantin Acosmei, Ce qui s’est passé. Traduction du roumain par Nicolas Cavaillès et l’auteur, éditions hochroth Paris, coll. « sine die », 2016

    Présentation :

    Qualifié de « grand silencieux » par la critique, Constantin Acosmei, né en 1972 à Tîrgu Neamţ, est l’auteur d’un seul livre, Jucăria mortului (Le Jouet du mort), réédité à trois reprises depuis sa première parution en 1995. Il n’écrit plus.

    je prends entre mes doigts une mèche sale

    de mes cheveux emmêlés la brûle avec ma

    cigarette à la racine et la jette sous le lit 

    www.paris.hochroth.eu

     

    Poésie, Autobiographie, Histoire, Roumanie, Constantin Acosmei, Nicolas Cavaillès, éditions hochroth Paris, Marie-Hélène Fabra-Bratianu, Paul Fabra, L’HarmattanMarie-Hélène Bratianu, La mémoire des feuilles mortes. Préface de Paul Fabra, L’Harmattan, 2016

    Présentation :

    Ma mère était la descendante d'une grande famille roumaine, les Bratianu. Son père était historien et homme politique. Il est mort dans un camp. Mais elle préférait me raconter les réunions familiales avec des vieux généraux, des jeux dans des parcs avec un vrai roi, des enfants princes et des gouvernantes allemandes. Je me rappelais alors que ma mère venait d'une autre planète, en noir et blanc, comme les photographies accumulées dans une malle, à la maison.

    www.editions-harmattan.fr

  • « Tissé de sons et de coloris »

    Poésie, Roumanie, Ion Pillat, Gabrielle Danoux, Muriel Beauchamp, Jean-Pierre LongreIon Pillat, Le bouclier de Minerve, traduit du roumain par Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp, 2016

    Comme dans leur recueil précédent, Monostiches et autres poèmes, les traductrices ont opéré un choix « dicté par le gré du plaisir de lecture », écrivent-elles, mais un choix qui ne manque pas de cohérence. Le titre l’annonce : s’il y a un fil conducteur (et il y en a un), c’est l’antiquité grecque, dont Ion Pillat était un fervent admirateur. Minerve, d’emblée, « déesse armée », tient sous son égide des sonnets qui ont « la perfection des colonnes grecques », et les pages qui suivent voient apparaître d’autres personnages – Léda, Diane, un « pâtre ionien » –, des lieux et des objets, des statues, un « buste oublié » – sans omettre, en un poème pathétique, la guerre et ses méfaits, où

                       « Les tranchées veillent, parallèles

                       À l’infini comme au cimetière les orifices ».

    Ce n’est cependant pas un livre sur la Grèce. La poésie « tissé(e) de sons et de coloris » chante aussi bien la nature que l’amour et la mort (les trois étant d’ailleurs souvent liés), avec, notamment, de discrètes excursions vers la Roumanie (les Carpates, le Bărăragan…). L’art, aussi, et au premier plan la poésie (un sonnet à Frédéric Mistral, des « stances sur un motif de Ronsard », une citation d’Eminescu, des tonalités baudelairiennes, verlainiennes, rimbaldiennes), de même la peinture (Hokusai). Et cette « féconde créativité des autres artistes » (dixit Muriel Beauchamp dans sa préface) devient celle de Pillat dans ses textes, dans leurs tonalités, dans leurs sonorités, dans leurs rythmes, que la traduction réussit à restituer en privilégiant la prosodie.

    Sonnets, odes, stances, chansons, prières, monostiches – au-delà de la variété des genres et des motifs, l’unité du recueil est assurée par la poésie (bien sûr), mais une poésie « dans mon âme incrustée » en quête de perfection, inséparable de la vie dans toutes ses dimensions.

                       « Ils ont dit de lui qu’il était froid, mais ils ne soupçonnaient pas

                       À quel point la passion dans ses veines bouillonnaient,

                       Ils ont dit de lui qu’il n’était pas profond, mais ils ne sentaient pas

                       Les abîmes qui dorment sous la limpidité. ».

                               

    Jean-Pierre Longre

  • « Syntaxe du silence »

    Poésie, francophone, Roumanie, Horia Badescu, L’Arbre à paroles, Résidences,  Jean-Pierre LongreHoria Badescu, Le poème va pieds nus, Résidences de l’Arbre à paroles, 2016 

    Le nouvel ouvrage de Horia Badescu est composé de trois recueils : « Le poème va pieds nus », « La trace de l’oiseau » et « Les poèmes mosans ». Si chacun a sa dominante propre (disons l’art poétique pour le premier, la nature et le corps pour le second, la « Wallonie, terre de poésie » pour le troisième), l’ensemble est traversé par des motifs communs qui permettent un cheminement sensible parmi les vers. En particulier un motif double, un couple indissociable qui mène le cortège de la vie et de la mort : la parole et le silence, voire le « silence de la parole ».

                                          « Les mots sont miens :

                                          je suis leur silence

                                          dans ton âme. ».

    Une parole libérée et un silence éloquent qui n’excluent pas les évocations du corps, de la chair, de la nature animale ou végétale, qui n’excluent pas, parfois, la violence de l’expression et le constat de la désolation du néant.

                                          « Allume en toi

                                          le silence !

                                          tu verras tout autour

                                          les ossements des paroles,

                                          les vestiges du big-bang

                                          de chaque jour. ».

    Et si le volume, d’un recueil à l’autre, peut se lire en un seul et vaste élan, chaque poème, dans son parcours individuel et dans sa marche « pieds nus » sur la page, est, comme « chaque jour », unique, formant un univers à lui seul :

                                          « dans combien de dimensions

                                          vit le poème ? ».

     

    Jean-Pierre Longre

    www.maisondelapoesie.com  

  • Cortège sombre et serein

    Poésie, Roumanie, Ileana Mălăncioiu, Cioran, Paul Valéry, Nicolas Cavaillès, Barbara Scapolo, éditions hochroth Paris, Classiques Garnier, Jean-Pierre LongreIleana Mălăncioiu, Comme pleurent les âmes seules, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, éditions hochroth Paris, 2016  

    Parler de la mort, c’est tenter non de la nier ou de la chasser, mais de l’exorciser – surtout lorsqu’elle est omniprésente comme c’est le cas tout au long de vers qui, en longs cortèges, peuplent chaque poème ici présenté, menant vers la « sérénité » et une injonction insistante :

                       « Ne ris pas, ne te mets pas toi aussi à comprendre,

                       Reste, reste encore ainsi. Reste, reste encore. ».

    La poésie d’Ileana Mălăncioiu, si elle chante la souffrance, les pleurs, la perte de soi et du monde, les rites sacrificiels, n’est pas à proprement parler morbide. La force de l’expression, la vigueur des images, l’exaltation de la solitude donnent paradoxalement vie à ce qui fonde les doutes humains :

                       «  Qu’il me soit laissé l’incertitude entière

                       que j’ai connue vivante. »,

    clame-t-elle dans l’un des plus beaux textes du recueil (dont la traduction rend parfaitement la fluidité, et dont l’un des vers donne fort justement son titre à l'ensemble).

    Poésie parfois surprenante (où l’on voit, par exemple, un bourreau plein de sollicitude offrir des fleurs à la condamnée au lieu de l’exécuter), poésie successivement violente, sombre, angoissante, apaisée : cette brève anthologie offre un itinéraire captivant « vers la vérité » dont les humains sont toujours en quête.

    Jean-Pierre Longre

    www.paris.hochroth.eu   

     

    Poésie, Roumanie, Ileana Mălăncioiu, Cioran, Paul Valéry, Nicolas Cavaillès, Barbara Scapolo, éditions hochroth Paris, Classiques Garnier, Jean-Pierre LongreNicolas Cavaillès, écrivain, traducteur, essayiste, vient de publier avec Barbara Scapolo Cioran et Valéry, l’attention soutenue (Classiques Garnier, 2016). Cette « perspective comparatiste », précisément documentée et savamment conduite, se compose d’un entretien entre les deux auteurs de l’ouvrage, de deux essais (« Cioran face à Valéry », par Nicolas Cavaillès ; « On est toujours ce qu’on combat », par Barbara Scapolo), puis d’appendices qui reproduisent des textes « rares ou inédits » de Valéry et Cioran illustrant les propos du livre.

    « Valéry est-il un «mystique bloqué»? Que signifie l' «admiration-haine» revendiquée par Cioran? Peut-on voir dans l'œuvre de Cioran l'aboutissement de celle de Valéry? ».  

    www.classiques-garnier.com  

  • À la Maison d’Europe et d’Orient


    Nicoleta Esinencu, FUCK YOU, Eu.ro.Pa !
    (Stuttgart, 2003), Sans sucre (Stuttgart, 2005) A(II) Rh+ (Paris-Chişinău, 2007) Mères sans chatte (Paris-Chişinău, 2007), Traduit du roumain et préfacé par Mirella Patureau, éditions L’Espace d’un Instant, 2016

    Théâtre, Roumanie, Nicoleta Esinencu, Mirella Patureau, éditions L’Espace d’un Instant, Maison d’Europe et d’Orient

    Présentation de l’éditeur :

    Œuvres recommandées par Eurodram, réseau européen de traduction théâtrale, certaines traduites avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, et publiées aux éditions l’Espace d’un instant, à l’initiative de la Maison d’Europe et d’Orient.

    Histoires de famille ou chroniques du passage de l’égide communiste au consumérisme occidental. La radicalité des propositions dramatiques de Nicoleta Esinencu et le langage cru de ses personnages font d’elle une artiste clairement provocatrice. Mais il s’agit de faire acte de citoyenneté, et d’appeler tout un chacun à   réagir ; l’auteure choisit le mode de l’adresse directe et une parole musclée pour réveiller les consciences et engager le dialogue. Il est bien question de la main du flic du quartier dans la culotte d’une gamine, de sacs de merde jetés par la fenêtre, ou de bousiller du nègre. Nicoleta Esinencu aimerait «
    chier sur l’Europe», sur le capitalisme, le communisme, sur l’homophobie, le racisme, le machisme, la violence conjugale et la pédophilie. (Veronika Boutinova)

    Nicoleta Esinencu est née en 1978 en Moldavie. Fondatrice de la Laverie de Chişinău et parmi les principales représentantes de la nouvelle génération du théâtre européen, ses textes ont été présentés un peu partout en Europe, notamment par Alexandra Badea, Jean-Jacques Beineix et Jean-Claude Fall.

    Illustration couverture : © Pavel Cuzuioc. 

    ISBN 978-2-915037-96-8 
    136 pages
    19 euros

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    Vous pouvez vous procurer ces ouvrages :
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  • « J’amplifie le mystère du monde »

    Poésie, Roumanie, Lucian Blaga, Jean Poncet, Horia Bădescu, Jacques André éditeur, Editura Şcoala Ardeleană, Jean-Pierre LongreLucian Blaga, Poemele luminii / Les poèmes de la lumière, édition bilingue. Traduit du roumain et avant-propos par Jean Poncet ; postface par Horia Bădescu. Jacques André éditeur / Editura Şcoala Ardeleană, 2016 

    La poésie de Lucian Blaga, aux harmoniques pleines et aux motifs éternels (l’amour, la nature, les souvenirs, la mort…), à la teneur « à la fois lyrique et métaphysique », est d’apparence simple, en tout cas abordable par tous, aux antipodes de l’hermétisme. C’est une première qualité, qui entraîne le lecteur vers une attention soutenue, plus approfondie – et dans cette perspective la traduction doit suggérer toute la dimension de chaque poème. C’est le cas de celle de Jean Poncet pour Les poèmes de la lumière, le premier recueil du poète-philosophe-dramaturge, paru en 1919 (il avait 24 ans).

    Ce recueil bilingue, fort bien venu à une époque où la poésie, qui plus est la poésie roumaine, n’a pas la faveur des « grands » éditeurs, jouit d’un double privilège : il est traduit et présenté par un poète ; Jean Poncet caractérise dans son avant-propos l’essentiel de l’œuvre de Blaga qui, « poétique comme philosophique », « trouve ses racines et s’ancre dans la réalité roumaine, sa culture, ses mythes et ses valeurs » parmi lesquels le « village roumain » qui « relève surtout d’une géographie intérieure faite de souvenirs et de mythes antiques, de pratiques agraires ancestrales et de chansons populaires. ». Deuxième privilège, le recueil se termine par la postface d’un autre poète, Horia Bădescu, qui analyse avec lucidité (c’est le cas de le dire) ces Poèmes de la lumière, associant à celle-ci le « mystère », ainsi que « l’enthousiasme qui déborde, la passion, la vitalité. ».

    Poésie, Roumanie, Lucian Blaga, Jean Poncet, Horia Bădescu, Jacques André éditeur, Editura Şcoala Ardeleană, Jean-Pierre LongreAinsi bien encadrés, il y a évidemment les textes eux-mêmes, qu’il faut lire, en roumain et/ou en français, en silence et/ou à haute voix. D’emblée, l’auteur nous conduit au cœur de son projet : « Avec ma lumière j’amplifie le mystère du monde. ». Mystère paradoxal fait d’amour, attaché d’une manière constante aux éléments naturels (l’air, la terre, le feu, l’eau – l’herbe, le soleil, les étoiles, le fleuve…). Mystère fait aussi de silence, celui de la mort, celui de l’au-delà où paradis et enfer sont intimement liés :

                       « Comme un hérétique je songe et m’interroge :

                       De quelle source le paradis tient-il –

                       Sa lumière ? – Moi, je le sais : c’est l’enfer qui l’éclaire

                       De ses flammes ! ».

    Et encore :

                       « De toute éternité

                       ennemis, Dieu et Satan

                       auraient-ils compris que chacun serait plus fort

                       s’ils se tendaient une main pacifique ? Ils ont fait leur paix

                       en moi : unis ils ont versé en mon âme

                       la foi, l’amour, le doute, le mensonge. ».

    Ces vers, convenons-en, sont ceux d’un poète-philosophe qui, bien qu’encore jeune, fait la preuve d’une réelle maturité (il obtiendra son doctorat en philosophie dès 1920), tant par la complexité de la pensée que par une écriture qui, mêlant allègrement lyrisme, méditation et narration, ne nie pas le doute et, avec des mots très simples, ne craint pas les riches antithèses :

                       « Si noirs tes yeux

                       ma lumière. ».

    Et Jean Poncet ayant eu la bonne idée d’ajouter au recueil « Sept poèmes (presque) disparus », ne résistons pas au plaisir d’en citer deux vers, que le poète attribue à Jésus :

                       « Ô soleil, toi le divin, ta lumière nous aveugle

                       Même lorsqu’elle est reflet dans la boue… ».

    Certes, la poésie de Lucian Blaga a déjà été mise à la disposition du public francophone : un volume bilingue maintenant difficile (ou impossible ?) à trouver, publié aux éditions Minerva, qui, dans une traduction de Paul Miclău, regroupe sous le titre Les poèmes de la lumière la plupart des recueils de Blaga ; une belle anthologie, elle aussi bilingue, traduite et présentée par Sanda Stolojan, L’étoile la plus triste (Orphée / La Différence, 1992) ; et une non moins belle édition, elle aussi bilingue, du recueil Au fil du grand parcours (În marea trecere), présenté et traduit par Philippe Loubière (Editura Paralela, 2003) (voir ICI).

    Le livre publié par Jacques André éditeur et les éditions Şcoala Ardeleană est une première étape, espérons-le, vers une édition complète et renouvelée des œuvres du plus grand poète roumain du XXème siècle.

    Jean-Pierre Longre

    www.jacques-andre-editeur.eu

    http://scoalaardeleanacluj.ro/wp

  • Revues de printemps

    Entre France et Roumanie (en passant par la Suisse), quelques numéros de revues viennent de paraître, que l’on ne peut que recommander.

     

    • Le n° 19 des Cahiers Benjamin Fondane (2016) est consacré d’une part à des « relectures du Mal des fantômes, d’autre part à un dossier sur « Fondane lecteur », toujours sous la direction de Monique Jutrin.

    Revue, poésie, francophone, Roumanie, Benjamin Fondane, Marius Daniel Popescu, Le Persil, Ghérasim Luca, Europe

    Sommaire :

    Voir www.benjaminfondane.com/les_cahiers-la_liste-0-1-1-0-1.html

    Sur Le bal des fantômes, cliquez ICI 

     

    Le Persil, que Marius Daniel Popescu et ses amis publient sans relâche, et dans les vastes pages duquel ils laissent libre expression à des poètes, des écrivains, des artistes de tous horizons.

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    • N° 106-107-108 (automne 2015) : « Parce qu’à deux, c’est mieux. Textes courts et arts graphiques ». (« De l’encre à l’encre, des mots aux traits »). « Quarante-huitb auteurs et artistes qui font la paire et dialoguent librement entre texte et image ».
    • • N° 109-110-111 (hiver 2015-2016) : « Atelier d’écriture à la Fondation du Levant de Lausanne », avec les « contributions de trois écrivains consacrés : Bertl Galland, Daniel Abimi et Jean Chauma ».
    • N° 115-116-117-118 (mars 2016) : « Poésie », « numéro quadruple qui contient de la poésie sous toutes ses formes, inédite et écrite par soixante-huit auteur-e-s de Suisse romande réuni-e-s à l’occasion du Printemps de la Poésie ».

    Revue, poésie, francophone, Roumanie, Benjamin Fondane, Marius Daniel Popescu, Le Persil, Ghérasim Luca, Europe

     

    Voir : www.facebook.com/journallitterairelepersil

     

    Revue Europe n° 1045 (mai 2016) : Numéro consacré à Ghérasim Luca

    Revue, poésie, francophone, Roumanie, Benjamin Fondane, Marius Daniel Popescu, Le Persil, Ghérasim Luca, Europe

    Présentation :

    « Né en 1913 à Bucarest, Ghérasim Luca parlait roumain, français, allemand et yiddish. En 1962, dix ans après son installation à Paris, il notait pour lui-même cette proposition paradoxale et forte : « Je suis l'Étranjuif ». Il attendit en effet la fin des années quatre-vingt pour abandonner son statut d'apatride, obligé qu'il était de régulariser ses papiers d'identité. Son suicide, le 9 février 1994 dans la Seine, est venu comme rappeler non seulement qu'il se considérait comme définitivement « hors la loi », mais aussi qu'il avait toujours dansé sur la corde. Ses œuvres pleines de sa vie et sa vie entièrement consacrée à ses œuvres en témoignent toujours puisque sa danse continue à entraîner, à encourager et même à enflammer ici et ailleurs, à la fois douloureusement et de manière jubilatoire, en inventant multiplement « une littérature impossible de tous côtés ». Ghérasim Luca est bien un de nos grands intempestifs ! Surréaliste roumain, fabricant de « cubomanies » et de livres d'artistes méticuleusement réalisés, ami de Victor Brauner, de Wifredo Lam et de quelques autres peintres majeurs, poète sonore ou plutôt « récitaliste » faisant de la voix un prolongement du corps, Ghérasim Luca ne peut en réalité s'accorder avec une telle addition que d'aucuns compléteront forcément… sans jamais pouvoir en faire le tour.  Car ses œuvres et sa vie sont placées sous le signe d'un perpétuel débordement. Elles font un tourbillon dans le fleuve de notre devenir, tant du point de vue du poème que plus généralement des arts et du langage.

    « Le plus grand poète français, mais justement il est roumain, c'est Ghérasim Luca », disait Gilles Deleuze. À ses yeux, Luca était de ceux qui inventent «  des vibrations, des rotations, des tournoiements, des gravitations, des danses ou des sauts qui atteignent directement l'esprit ». Amour, humour, politique, éthique et poétique étaient indissociablement liés chez ce forgeur sauvage et subtil qui écrivait : « tout est irréalisable dans l'odieuse / société de classes, tout, y compris l'amour / la respiration, le rêve, le sourire / l'étreinte, tout, sauf la réalité / incandescente du devenir ».

    Serge Martin, Ghérasim Luca, Pierre Dhainaut, Thierry Garrel, Monique Yaari, Bernard Heidsieck, Bertrand Fillaudeau, Charles Pennequin, Patrick Beurard-Valdoye, Joël Gayraud, Sebastian Reichmann, Nicole Manucu, Anne Foucault, Jean-Jacques Lebel, Iulan Toma, Vincent Teixeira, Dominique Carlat, Sibylle Orlandi, Charlène Clonts, Laurent Mourey, Patrick Fontana, Alfredo Riponi, Alice Massénat. »

    CAHIER DE CRÉATION / ÉCRIVAINS ROUMAINS

    Gabriela Adameşteanu, Dan Lungu, Florina Ilis, Norman Manea, Marius Daniel Popescu, Nora Iuga.

    Cahier conçu par Jean-Yves Potel et Gabrielle Napoli.

    Voir : www.europe-revue.net/sommaire-mai.html

    Voir aussi: http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/archive/2016/05/16/l-or-des-mots-5801407.html 

  • L’or des mots

    Poésie, francophone, Roumanie, Ghérasim Luca, José Corti, Jean-Pierre LongreGhérasim Luca, La paupière philosophale, José Corti, 2016  

    Chez Ghérasim Luca, la parole poétique plurielle et singulière, fragmentaire et fluide. On le constate dans tous les recueils à la fois issus du surréalisme et tendus vers la poésie sonore, l’expérimentation et la performance, composés de textes dans lesquels les mots sont plus que des mots : des objets saturés de sons et de sens, répartis dans leurs vers comme des notes sur leurs portées.

    Le titre du recueil est celui de la première partie : La paupière philosophale – et c’est déjà tout un programme incluant la manipulation verbale et le jeu sonore. On découvre dans les poèmes (où pullulent les allitérations en « p ») la volonté de « muer le vil métal / en pot-au-feu d’or mental » et de se couler dans une « peau fine / paupière finale / fatale / philosophale ».

    Suivent neuf autres mini-recueils consacrés à des pierres précieuses. Non pour les décrire, mais pour tirer de leurs noms, en formules délicates, les riches sonorités qu’ils contiennent (l’opale « avec les pôles d’une pile », le lapis-lazulis « sur la piste du lis », la chrysophrase (chrysoprase ?), « cristal du sophisme / et sopha du phonème », la turquoise, « truc coi et oisif », l’émeraude « comme la mère d’une robe » – ce ne sont que quelques exemples). Avec cela, le poète ne rechigne pas à chanter des refrains enfantins (« turlututus et turlurettes ») ni à se jouer de mots rares comme « ulex », « saphène », « sarrussophone », « thrips », « cynips » et autres termes spécialisés.

    Dans une langue épiée, espionnée, triturée, malaxée, remâchée, La paupière philosophale opère une extraction à la fois douloureuse et jubilatoire de l’or des mots.

    Jean-Pierre Longre

    www.jose-corti.fr

    www.jose-corti.fr/auteursfrancais/luca.html

  • « Qui me réveillera ? »

    Roman, autobiographie, Roumanie, Max Blecher, Elena Guritanu, Claro, Hugo Pradelle, Éditions de l’Ogre, Jean-Pierre LongreMax Blecher, Aventures dans l’irréalité immédiate, suivi de Cœurs cicatrisés,  traduit du roumain par Elena Guritanu, préface de Claro, postface de Hugo Pradelle, Éditions de l’Ogre, 2015  

    « L’impression générale et essentielle de théâtralité devenait une véritable terreur dès que je pénétrais dans un cabinet de curiosités exposant des figures de cire. À mon effroi se mêlaient une vague ondulation de plaisir et la sensation étrange, que nous éprouvons tous parfois, d’avoir déjà vécu la même chose, dans le même décor. Si jamais naissait en moi le sentiment d’un but existentiel et si cette ébauche était véritablement liée à quelque chose de profond, d’essentiel et d’irrémédiable, alors mon corps devrait se transformer en une statue de cire dans un musée et ma vie en une contemplation sans fin de ses vitrines. ». Telle est la prose d’un écrivain encore trop méconnu, né dans le nord de la Roumanie, mort en 1938 à l’âge de 29 ans après avoir vécu pendant 10 ans atteint par le « mal de Pott », tuberculose osseuse qui l’obligea à interrompre ses études de médecine à Paris et à passer son existence dans divers sanatoriums.

    Trop méconnu, et pourtant plusieurs fois traduit en français (par Mariana Şora, Georgeta Horodinca, Hélène Fleury, Gabrielle Danoux…). Ce volume, qui réunit deux ouvrages différents traduits par Elena Guritanu, témoigne d’une écriture à la fois introspective et expressive, qui met en relation étroite le rêve et la réalité, l’hallucination et la sensation. Aventures dans l’irréalité immédiate est l’exploration d’une âme en proie à la perception d’un monde à la fois étrange et familier, défiguré par la douleur et recomposé par la poésie des mots et des phrases, une âme qui, comme une spectatrice de théâtre, est à la fois à l’extérieur et à l’intérieur, observatrice et observée. Ce premier récit, en va-et-vient et en circonvolutions, est un pathétique et admirable appel à la survie, malgré tous les obstacles : « Je me débats, je crie, je m’agite. Qui me réveillera ? ».

    Cœurs cicatrisés, de facture plus narrative, est le récit du séjour d’Emanuel (le double de l’auteur) dans un sanatorium de Berck. La maladie y est certes omniprésente, pensionnaires enserrés dans leur corset de plâtre, couchés nuit et jour, transportés en calèche, souffrant de mille maux – mais pensionnaires vivants. Emanuel, comme les autres, participe à des fêtes clandestines et alcoolisées, noue des amitiés solides, connaît des aventures amoureuses, fait de longues promenades dans les dunes ; il recherche aussi la solitude, découvre les Chants de Maldoror, rêve, voit disparaître certains de ses compagnons, jusqu’à son propre départ vers une autre destination, un autre sanatorium, d’autres espérances. Sous la linéarité du récit, se tissent les aventures intérieures, ainsi qu’une sorte de commentaire voilé, fruit d’une observation de soi et des autres qui n’exclut ni l’humour (noir ou morbide) ni la satire (discrète) ni bien sûr l’introspection.

    Ainsi saisit-on le bien-fondé de cette double publication : sous deux formes différentes, Max Blecher est un écrivain de la relation intime que l’individu entretient avec lui-même et avec ce qui l’entoure, entre imaginaire et réel transfigurés.

    Jean-Pierre Longre

    www.editionsdelogre.fr  

  • « L’étincelle de nos espoirs »

    PANAÏT ISTRATI D’HIER A AUJOURD’HUI


    Rencontres autour de la vie et de l’oeuvre de Panaït Istrati
    11 mai 2016
    Salle de conférences
    Institut français de l’éducation
    19, allée de Fontenay
    69007 Lyon
    Entrée libre dans la mesure des places disponibles
    Exposition
    11 mai – 9 juillet 2016
    Bibliothèque Diderot de Lyon
    5, parvis René-Descartes – BP 7000
    69342 cedex 07
    Du lundi au vendredi de 9h à19h
    Le samedi de 9h à 17h
    Ouvert à tous publics
    Visite guidée chaque jeudi à 15h
    Manifestation organisée par l’Association des amis de Panaït Istrati et par la
    Bibliothèque Diderot de Lyon
    Contacts
    amisdepanaitistrati@orange.fr
    fonds-slaves-diderot@ens-lyon.fr


    Programme de la journée du 11 mai disponible
    sur le site de la Bibliothèque Diderot de Lyon : http://www.bibliotheque-diderot.fr/
    sur le site de l’Association des amis de Panaït Istrati : http://www.panait-istrati.com/

    Programme de la journée du 11 mai
    Rencontres autour de la vie et de l’oeuvre de Panaït Istrati


    9h15
    Ouverture de la journée par Christine Boyer, directrice de la Bibliothèque Diderot de Lyon
    9h30
    Christian Delrue (Association des Amis de Panaït Istrati)
    Panaït Istrati « le pèlerin du coeur »
    10h30
    Jean-Pierre Longre (Littérature contemporaine – Université Jean Moulin Lyon 3)
    Echos istratiens dans quelques oeuvres contemporaines
    11h30
    Sergueï Feodossiev (chercheur et écrivain – Kiev, Ukraine)
    De la fascination à la haine, la perception de Panaït Istrati en URSS
    13h – 14h30
    Pause déjeuner
    14h30
    Hélène Lentz (Études roumaines – Université de Strasbourg)
    Les minorités dans l’oeuvre de Panaït Istrati
    15h30
    Alain Dugrand (Ecrivain et journaliste)
    Le voyage, la découverte du monde chez Panaït Istrati et l’ailleurs comme renouveau dans
    la littérature d’aujourd’hui
    16h30
    Vincent Baas et Anne Maître (Bibliothèque Diderot de Lyon)
    La place de Panaït Istrati à la Bibliothèque Diderot de Lyon
    Tout au long de la journée, lectures d’extraits de l’oeuvre de Panaït Istrati
    par l’acteur et comédien
    Philippe Morier-Genoud
    17h30
    Découverte de l’exposition à la Bibliothèque Diderot de Lyon

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  • Le poète : « Chargé de vers comme l’automne de fruits »

    Poésie, Roumanie, Ion Pillat, Gabrielle Danoux, Muriel Beauchamp, Dinu Pillat, Jean-Pierre LongreIon Pillat, Monostiches et autres poèmes, traduit du roumain par Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp, 2016 

    Ion Pillat (1891-1945), diplomate, officier, francophile résolu (il fit ses études à Paris et traduisit en roumain plusieurs écrivains français), homme de théâtre, reste connu comme un poète libre de toute influence contemporaine, plutôt attaché dans son écriture à une tradition que l’on a tenté de définir comme classique, parnassienne, symboliste… Cette diversité d’appréciation est un signe de singularité, d’originalité, et ses poèmes méritaient amplement d’être montrés au public français – ce que Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp ont fait avec ce choix de textes traduits dans le respect de la versification, de la musicalité et de l’inspiration originales.

    Et avec toute la variété de leurs formes, de leurs rythmes et de leurs tons. Le volume se compose de deux parties. D’abord des « monostiches », ces poèmes d’un seul vers dont la densité est telle qu’ils en disent plus ou autant que de longs textes. Quelques exemples :

             À Voroneţ, le soir : « S’agenouillait devant les saints de la fresque le coucher du soleil. ».

             Le berger : « Sa flûte à la bouche, dès qu’il se tait, la forêt joue. ».

             Abondance : « Aujourd’hui, j’ai croisé l’automne en char tiré par des bœufs. ».

    Puis des poèmes développés aux thèmes variés : l’art pictural ou architectural (la cathédrale de Chartres et sa lumière, par exemple), le village (roumain), les souvenirs (parmi lesquels celui d’Ovide à Tomis), les émotions, les évocations du pays d’origine et de la France – le tout en vers sonnants, aux rimes ou assonances douces ; des sonnets même et, pour finir, un oratorio maritime fermant le recueil et ouvrant l’horizon sur « le murmure croissant des vagues ».

    Jean-Pierre Longre

    http://www.babelio.com/livres/Pillat-Monostiches-et-autres-poemes/804414

    Dinu Pillat, fils de Ion Pillat, est l’auteur d’un roman au destin aventureux, En attendant l’heure d’après, traduit par Marily Le Nir (Éditions des Syrtes, 2013). On en trouvera une présentation et un commentaire ici ou .

  • Écrivain conteur

    Conte, récit, autobiographie, Roumanie, Ion Creangă, Dominique Ilea, L’Harmattan, Jean-Pierre LongreIon Creangă, Contes, souvenirs d’enfance et histoires. Traduction du roumain, préface et notes de Dominique Ilea, L’Harmattan, 2016. 

    Ion Creangă (1839-1889), diacre, instituteur, conteur plein de verve, écrivain savant, humoriste populaire, ami d’Eminescu, est souvent rapproché de Rabelais, de Charles Perrault ou de Boccace. Certes, ses héros ont « la bonhomie et la gaillardise joyeuses des héros rabelaisiens », comme l’écrit Andreia Roman dans son histoire de la littérature roumaine ; ses récits mêlent allègrement le réel et le merveilleux, la poésie charmante et la truculence grivoise. Mais sa plume est bien celle d’un auteur original, qui doit tout à son érudition, à ses origines campagnardes, à son travail de styliste et à son talent d’écrivain épique et burlesque.

    C’est ce dont témoignent les « pages choisies », traduites et présentées par Dominique Ilea. Un bel échantillon de textes, dans une traduction qui rend avec précision et modernité les audaces lexicales et la vigueur stylistique de l’auteur. D’abord quatre contes, « La Belle-mère aux trois brus », « L’histoire du Cochon », « L’histoire de Stan l’Averti » et « Ivan Tourbinka », qui mêlent au folklore régional la malice paysanne, à l’imaginaire féérique (ou démoniaque) la réalité historique. Les « Souvenirs d’enfance », suivant un ordre chronologique, mettent en avant les petites et grandes aventures d’un écolier déluré, épris à la fois de liberté et de son village chéri, de sa campagne heureuse qu’il rechigne à quitter pour poursuivre ses études à Iaşi : « Pour chaque fontaine, ruisseau, vallon, bocage et autres coins ravissants que l’on laissait derrière nous, un gros soupir gonflait notre poitrine ! ». Le volume se poursuit avec des histoires plus courtes mais tout aussi savoureuses, donnant des images cocasses du tempérament humain (la bêtise, la paresse, la sagesse arithmétique…), et se termine par un robuste « Conte grivois » où les épis de maïs subissent une drôle de transformation…

    Récits picaresques, épiques, comiques, les écrits de Creangă, qui donnent une belle place à l’oral (« Un livre à lire à haute voix », affirme justement la traductrice), sont ceux d’un auteur qui, « dans on propre langage succulent », fait magistralement la synthèse entre des sources multiples, des personnages de tout acabit et tout bien considéré universels dans leur diversité, des registres variés, le tout avec la modestie des grands, comme le montre la « préface à mes Contes » qui inaugure le livre :

    « Cher Lecteur,

    Que d’âneries n’auras-tu pas dû lire, depuis que tu es sur terre !

    Ajoutes-y celles qui suivent, pour m’obliger ; et si, à tel endroit, tu trouves cela bien peu à ton gré, prends la plume, à ton tour, et donne à voir quelque chose d’un meilleur aloi ; car, moi, c’est tout ce que j’ai su abouter. ».

    Jean-Pierre Longre

    www.harmattan.fr