
Cahiers Benjamin Fondane n° 28, « À l’écoute de l’Autre », 2025
« C’est à vous que je parle, hommes des antipodes ». Ce fameux premier vers de la Préface en prose est pour Dominique Guedj l’occasion d’un bel article d’ouverture, « Les antipodes ou l’altérité existentielle » ; « Juif, poète et penseur existentiel, Fondane porterait ainsi la triple empreinte de l’antipode ». Suivent trois textes sur la « poésie à l’écoute ». « Le Mal des fantômes : une poésie interrogative », par Agnès Lhermitte, où sont aussi mis en avant « les doutes du poète » : « Le verbe poétique fluctue, parfois stoppé, parfois emporté, ou simplement à peine soulevé par l’élan d’une question. » À propos du même recueil, Gisèle Vanhèse met en relation le thème du fantôme avec le langage du poète, « paroles en éternel mouvement, comme celui de l’âme transmigrante et du voyageur sans fin… ». Et pour Sylvain Saura (« Le cri et le craquement : méditations acroamatiques »), « la conscience poétique fondanienne se déploie […] à partir d’un « non-lieu » de la pensée et de l’entendement, dans l’éclat paradoxal dont le cri ou le craquement portent les traces. »
Agnès Lhermitte s’adonne à une analyse littéraire et génétique précise du poème « VAE SOLIS » reproduit dans sa dernière version, puis Serge Nicolas et Margaret Teboul se tournent, toujours dans la perspective de « l’écoute », vers la philosophie d’un Fondane tourné vers « l’empirisme métaphysique ». Suivent quelques inédits : présentés et commentés par Monique Jutrin, des articles d’Élian Finbert et de Claude Sernet autour de L’Exode, participant « à la survie de Fondane dans l’immédiat après-guerre », puis un scénario inédit : Roméo et Juliette au XXe siècle. Pour finir, avant quelques éléments d’information et de bibliographie, des chroniques d’Éric de Lussy et d’Agnès Lhermitte pour clore ce nouveau numéro riche en analyses et en nouveautés, prouvant s’il en était besoin que l’œuvre de Benjamin Fondane n’a jamais fini d’ouvrir des perspectives philosophiques, poétiques, esthétiques.
Jean-Pierre Longre
- Éditorial
- À l’écoute de l’autre
• Une pensée à l’écoute
- Les antipodes ou l’altérité existentielle, Dominique Guedj
• Une poésie à l’écoute
- Le Mal des fantômes: une poésie interrogative, Agnès Lhermitte
- Au temps des fantômes, Gisèle Vanhese
- Le cri et le craquement : méditations acroamatiques, Sylvain Saura
- Vae Solis, Benjamin Fondane
- « Vae Solis » : lecture et approche génétique, Agnès Lhermitte
• Une philosophie à l’écoute
- Lévy-Bruhl, Chestov et Fondane lecteurs de Spinoza, Serge Nicolas
- Retour sur l’expérience : Fondane et Madelrieux, Margaret Teboul
• Inédits et textes retrouvés
- Autour de L’Exode : articles retrouvés d’Élian Finbert et de Claude Sernet, Monique Jutrin
- Un scénario inédit : Roméo et Juliette au XXe siècle, Benjamin Fondane
• Chroniques
- La Préface en prose à Bobigny, Eric de Lussy
- Ulysse mis en scène par Frédéric Grosche à Saint-Brieuc, Agnès Lhermitte
- Fondane et le Dibbouk, Agnès Lhermitte
• Informations
• Bibliographie sélective
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• Collaborateurs
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André Paléologue, Cécile Lauru. Le destin d’une compositrice française, de Nantes aux Carpates, Les cahiers de la société historique et archéologique des VIIIe et XVIIe arrondissements, numéro spécial, 2021.
Mais la rencontre de Vasile Georgescu Paleolog, le coup de foudre réciproque et le mariage changèrent l’orientation de sa vie. Son mari roumain, homme d’affaires, critique d’art, essayiste, était un ami de Constantin Brancuşi, spécialiste de son œuvre, et Cécile put ainsi fréquenter l’avant-garde de l’époque, artistes, hommes de lettres, musiciens, en particulier Erik Satie et le « groupe d’Arcueil ». « En 1921, selon les critères de l’époque, Cécile Lauru Paleolog était une femme comblée : mariée à un homme d’affaires de « bonne condition », mère de trois garçons en pleine forme, douée d’un potentiel créatif reconnu et admiré de son entourage… ». Elle suit son mari dans ses voyages professionnels, puis la famille part s’installer en Roumanie. Dépaysement total pour Cécile, qui va trouver une activité d’ethnomusicologue et continuer à créer, nourrissant ses compositions du « chant de l’Église orthodoxe » et du « folklore musical villageois », et qui durant cette période va composer, « dans un parfait esprit de liberté et de création », ses plus grandes œuvres. Puis c’est à nouveau Berlin pour l’éducation de ses enfants (1930-1940), l’expulsion par le régime nazi, le retour en Roumaine (Bucarest), avec « la musique comme dernier refuge » face aux brimades du régime totalitaire, la possibilité de revenir en France où elle meurt accidentellement en 1959.
André Paléologue, historien, petit-fils de Cécile Lauru, était bien placé pour écrire l’histoire de cette musicienne trop méconnue, qui mérite amplement une réhabilitation, elle qui a tenté une « synthèse sonore européenne ». Son ouvrage, fortement documenté, illustré de photos probantes, raconte certes en détail la vie particulièrement remplie de sa grand-mère (qui soit dit en passant avait un caractère bien trempé), en s’appuyant en partie sur les 586 pages manuscrites de ses Souvenirs. Mais il va au-delà : il révèle tout un pan de la musique européenne du XXe siècle, sans se priver de faire quelques apartés, par exemple sur le piano qui a suivi la musicienne dans toutes ses pérégrinations, ni de poser quelques questions ou d’émettre quelques réflexions, par exemple sur la correspondance des arts (musique, littérature, peinture, sculpture…), ou sur le fait de savoir si l’on peut « circonscrire l’espace d’une musique spécifiquement roumaine » (question qui taraudait V. G. Paleolog), ou encore si l’on peut créer, comme le tenta Georges Enesco, une « musique moderne et nationale. » Ainsi, ces pages suscitent l’intérêt à plusieurs titres (biographique, musicologique, historique, critique), et mettent en lumière non seulement l’existence d’une grande figure artistique, mais beaucoup de questions relatives à la vie culturelle européenne.
Le Persil Journal
Le Persil Journal
Entre les deux, le foisonnement que l’on attend toujours du fameux journal grand format. Des proses réalistes ou non (Karine Yakim Pasquier, Odile Cornuz, Pauline Desnuelles, Philippe Veuve, Dania Miralles, Cornélia de Preux, Juliette Dezuari), du théâtre (Philippe Jeanloz), de la poésie bardée de citations (Marie Patrono, Anicée Willemin), des poèmes tendance haïkus (Philippe Fontannaz), des proses et des vers en alternance (Maud Armani)… Le tout est ponctué par un « Voyage en Suisse » photographique de Patrick Gilliéron Lopreno et par des lignes ambulantes de Marius Daniel Popescu en personne !
Le Haïdouc
Cahiers Benjamin Fondane n° 25, « Dialogues », 2022
Sous la houlette de l’infatigable Marius Daniel Popescu, deux numéros triples du
Le numéro précédent (mars 2022) « contient des textes inédits d’auteurs de Suisse romande », en prose ou en vers : Corinne Desarzens, François Hüssy, Philippe Veuve, Emilie Bilman, Jean-Luc Dépraz, Fiorenzino Iori, Esther Sarre, Vincent Yersin, Véronique Emmenegger, Adrian Rachieru, Matthieu Ruf, Valérie Gillard. Les dernières pages accueillent la poésie de deux invités : Grégory Rateau, qui est entre autres rédacteur en chef du Petit Journal de Bucarest, et Sorin Dananae (texte traduit du roumain par Marius Daniel Popescu). Depuis la Suisse, Marius Daniel Popescu reste toujours fidèle à sa Roumanie natale…
Le Haïdouc
Cahiers Benjamin Fondane
« Promotion d’un pion » évoque le travail d’été d’un étudiant en sylviculture qui, pour gagner de l’argent, s’est fait engager pour trois mois au « Bureau de Tourisme pour la Jeunesse », accueillant des vacanciers venus visiter la belle ville de l’Église Noire entourée de montagnes et cherchant, pour une somme modique, à loger dans un foyer d’étudiants. Nous sommes au temps du « parti unique », des petites et grandes compromissions, de l’appauvrissement du peuple : « La crise du pays transforme les individus en marchands de corruption, les denrées alimentaires de base sont devenues monnaie d’échange et objet de favoritisme. » C’est le règne des petits chefs auxquels « tu » résiste obstinément, se voyant agir comme s’il était spectateur de lui-même : « Tu vis une sorte de pièce de théâtre dans laquelle tu as le rôle de réceptionniste d’un hôtel minable, tu t’entends parler ». Le récit se termine par une aventure désopilante aux limites du tragique, comme la Roumanie de naguère en avait le secret.
Norman Manea, Le retour du hooligan,
Nicoleta Esinencu, L'Évangile selon Marie – Trilogie, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, L’Arche, 2021
Oana Lohan, Mars violet, Les éditions du chemin de fer, 2021
Florina Ilis, Le livre des nombres, traduit du roumain par Marily Le Nir, Éditions des Syrtes, 2021
Le Persil
Pour une fois, en déployant les ailes du Persil (drôle d’image, pourtant appelée par l’envergure des pages de ce journal hors normes), les lecteurs y trouvent uniquement du Marius Daniel Popescu. Et il n’y a
Et voilà la grande affaire : les mots, qui vivent et qui donnent la vie, qui ont leur « territoire de chasse ». Le festin proposé par Marius Daniel Popescu se termine, en guise de digestif, par une série de courts poèmes tels qu’il en a le secret, au centre desquels trône justement le mot « MOT », qui donne des rendez-vous à ses congénères. « Ensemble, ils forment de petits groupes », et notre auteur, narrateur et poète tout uniment, a le don de les aider dans leurs démarches – ce qui nous permet de lire des images belles et surprenantes, telle celle-ci, prise au hasard : « La dame âgée d’en face était une feuille morte encore attachée à la branche de son thé. ». La forêt, la vie… Vraiment, si comme il l’écrit dans l’un de ses poèmes, « le persil appelle au travail », la récolte est une réussite absolue.
Mariana Gorczyca, Cadence pour une marche érotique. Roman traduit du roumain par Ina Delaunay, éditions Non Lieu, 2019
Luminitza C. Tigirlas, Fileuse de l'invisible — Marina Tsvetaeva,
Cahiers Benjamin Fondane n° 22. « Pourquoi l'art - Chimériques esthétiques ».