Cahiers Benjamin Fondane n° 20. « Fondane homme de théâtre. Au temps du poème ». Société d’études Benjamin Fondane, 2017.
« Fondane se refuse les facilités du premier degré ». Cette constatation, faite par Agnès Lhermitte à propos de l’élégie, pourrait caractériser et résumer l’idée centrale du n° 20 des Cahiers Benjamin Fondane, consacré en grande partie aux idées sur le théâtre, mais aussi à la poésie et à la philosophie.
« Benjamin Fondane homme de théâtre » : suivant le fil conducteur constitué par la création et l’histoire du groupe d’avant-garde « Insula », inspiré par Jacques Copeau et créé par Fondane en 1922 à Bucarest, plusieurs articles analysent les relations entre l’écrivain et cet « art qui prend des risques » (formule rappelée par Carmen Oszi). Éric de Lussy établit un intéressant parallèle entre le « paradoxe sur le spectateur » et Le paradoxe sur le comédien : pour Fondane, le spectateur, comme le comédien pour Diderot, doit être « toujours maître de lui » et d’une lucidité constante. Aurélien Demars, examinant la notion de « théâtre du suicide », rappelle « la clairvoyance prémonitoire de Fondane à l’égard de l’eugénisme d’État », et l’ultime et tragique témoignage de l’écrivain qui, arrêté sous l’Occupation, refusa d’être libéré sans sa sœur, et ainsi se condamna à mort. Théâtre et poésie (Serge Nicolas), théâtre et philosophie (Maria Villela-Petit), études fouillées s’appuyant sur les textes, puis l’hypothèse d’un « inédit de 1920 » émise par Aurélien Demars complètent ce dossier.
Au temps du poème : ce recueil, que l’on retrouve dans le volume Le mal des fantômes publié chez Verdier en 2006, fait l’objet de fines analyses de Monique Jutrin (« Passéiser l’actualité »), de Saralev Hollander (sur l’exil), de Heidi Traendlin (« La tirelire des songes »), d’Agnès Lhermitte (sur le sonnet « Quand de moi-même en moi les voix se taisent », sur deux êtres aimés, Armand et Marior, et, d’une manière plus large, sur les thèmes élégiaques dans Au temps du poème).
Philosophie : dans ce troisième ensemble, Alice Gonzi poursuit une réflexion sur Fondane et Aristote, et Margaret Teboul décrypte les notes inédites sur Le Désir d’éternité de Ferdinand Alquié, écrites par Fondane en 1943 (« L’animal et la raison »).
Deux études de Gisèle Vanhese (« Benjamin Fondane et Yves Bonnefoy ») et d’Annafrancesca Naccarato (« Poésie, image et traduction »), ainsi qu’un texte inédit (« Appel aux étudiants ») traduit et présenté par Carmen Oszi précèdent les notes et informations diverses.
Ce volume, riche en études fouillées, circonstanciées, précises, issu de la dernière rencontre de Peyresq, atteste, si besoin était, la vivacité de la réflexion sur un écrivain chez qui voisinent avec bonheur la création poétique, les théories théâtrales et la recherche philosophique.
Jean-Pierre Longre
Sommaire de ce numéro :
- Editorial, Monique Jutrin
• Benjamin Fondane homme de théâtre
- Une île revisitée : Insula, Carmen Oszi
- Le grand et le petit combat intellectuel, Alexandru Kiritescu
- Un grain de souvenir, Claude-Emile Rosen
- Lettre pour un seul, Lina Fundoianu, traduit par Hélène Lenz
- Sur le spectateur, B. Fundoianu
- Paradoxes à propos du spectateur, Eric de Lussy
- Fondane-Artaud : théâtre et poésie, Serge Nicolas
- Article inédit à propos d’Allendy, Benjamin Fondane
- Théâtre et pensée philosophique, Maria Villela-Petit
- Le théâtre du suicide selon Fondane, Aurélien Demars
• Poésie : Au Temps du Poème
- Passéiser l’actualité : Berceuse de l’émigrant, Monique Jutrin
- Un poème abandonné, Benjamin Fondane
- Dire l’exil, l’exil de la Reine, Saralev Hollander
- Le temps de l’élégie, Agnès Lhermitte
- Archéologie du sonnet : Quand de moi-même, Agnès Lhermitte
- Armand et Marior : le deuil en filigrane, Agnès Lhermitte
- La tirelire des songes, Heidi Traendlin
• Philosophie
- Fondane face à Aristote, Alice Gonzi
- L’animal et la raison : Fondane lecteur du Désir d’éternité, Margaret Teboul
- Notes inédites sur Le Désir d’éternité de Ferdinand Alquié, Benjamin Fondane
• Etudes
- Benjamin Fondane et Yves Bonnefoy : un dialogue à contre-jour, Gisèle Vanhese
- Poésie, image et traduction, Annafrancesca Naccarato
• Texte inédit de 1934
- Appel aux étudiants, Benjamin Fondane, traduit par Carmen Oszi
• Notes
- Dor de Iasi, Jill Silberstein
- Benjamin Fondane face à Henri Lefebvre, Monique Jutrin
- Discovering rue Rollin, Mitchell Abidor
• Informations
• Bibliographie sélective
- Bibliographie
• Collaborateurs
http://www.benjaminfondane.com
http://jplongre.hautetfort.com/tag/benjamin+fondane
http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/apps/search?s=Fondane&search-submit-box-search-236757=OK
Jana Chisalita-Musat, La guerre des serpents, éditions Chapitre.com, 2015
Luminitza C. Tigirlas, Rilke-Poème. Élancé dans l’asphère, L’Harmattan, 2017 
Bernard Camboulives, Un automne avec Cioran ou La sagesse de l’anxiété, Éditions Nicole Vaillant, 2016
Le persil
Horia Badescu, Le poème va pieds nus, Résidences de l’Arbre à paroles, 2016



Ghérasim Luca, La paupière philosophale, José Corti, 2016
Cornelia Petrescu, Le sagittaire, Marc Pessin, Encres, Le verbe et l’empreinte, 2016
Liliana Lazar, Enfants du diable, Le Seuil, 2016 
Mais comment préserver la sincérité du cœur dans un monde où « les humains ne savent plus dire qu’amour de soi », dans un monde où les « enfants battus / de la prospérité » doivent fraterniser avec des « loups-garous avares » ou des « vampires malveillants » ? Comment l’individu, condamné à « vivre pluvieux », peut-il affronter les monstres modernes ? Radu Bata n’a pas perdu ses racines roumaines, qu’il revendique çà et là, et n’a rien oublié non plus de la beauté des nuages, de « l’harmonie cosmique », de la « langue du doute », des bienfaits du silence, ni de l’ivresse que procure la vraie poésie, celle de Rimbaud ou de Nichita Stanescu par exemple.
Gaspard Koenig, Kidnapping, Grasset, 2016
Visiblement, Gaspard Koenig maîtrise son sujet et l’art du roman. La vie londonienne avec ses rites et ses clivages sociaux, la Roumanie dans sa diversité, Bucarest, son animation et ses excès, les campagnes profondes, les monastères et leurs traditions (certains clichés tenaces aussi), les ambitions souvent restées lettre morte des instances européennes, les péripéties que les confrontations entre ces univers entraînent, les traits satiriques auxquels peu échappent : tout est réuni pour procurer une lecture à la fois rebondissante et documentée, qui n’exclut pas la réflexion sur la marche économique du monde et les dissensions qu’elle induit au sein de l’Europe. Un simple échange entre David le banquier de la City et Veronica la bibliothécaire du monastère de Varatec résume parfaitement l’incompréhension réciproque : « Avec l’autoroute, la croissance du département de Neamt devrait attendre les 5% par an. – La croissance de quoi, mon fils ? ». Kidnappeur, kidnappé, les rôles ne sont pas définitivement distribués…