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cioran

  • Dans l’intimité du penseur

    : Correspondance, Cioran, Nicolas Cavaillès, Gallimard, Jean-Pierre LongreCioran, Manie épistolaire, Lettres choisies 1930-1991, édition établie par Nicolas Cavaillès, Gallimard, 2024

    Le 29 avril 1974, Cioran écrit à son ami d’enfance Bucur Țincu : « Mieux que personne, j’ai eu la vie que j’ai voulue : libre, sans les servitudes d’une profession, sans humiliations cuisantes ni soucis mesquins. Une vie presque rêvée, une vie d’oisif comme il en existe peu en ce siècle. » Un an plus tard (dans le volume, une page plus loin), à un autre ami, Arşavir Acterian : « Ma vie continue avec les inévitables ennuis dont je ne cesse de me plaindre. Je vois trop de monde. Je perds mon temps en conversations, en palabres, car les cinq continents s’étant donné rendez-vous dans cette ville, je dois, comme tout un chacun, en subir les conséquences. J’estime béni le jour sans visite. » Qu’en déduire ? Ce que l’on a déjà remarqué à la lecture des œuvres de l’auteur : adepte d’une écriture fragmentaire, il cultive le paradoxe – et ici il le fait jusque dans ses impressions intimes, qui n’échappent pas aux « flottements continuels ». La « manie épistolaire » est un terrain idéal pour cela.

    Dès les premières lettres, alors qu’il est encore tout jeune, se signale comme en germe ce qui caractérisera Cioran et son œuvre : l’expression des tourments et de la douleur, l’aveu d’un narcissisme qui pourtant peut s’inscrire dans une vision collective : « Devant le destin individuel les formes historiques et politiques n’arrivent à rien. Hitlérisme ou communisme, les gens souffrent de la même manière et meurent de la même manière. Le destin, l’irréparable intérieur, voilà à quoi tout se réduit. » (1933). De même l’opposition entre l’esprit roumain, son « subjectivisme malheureux », et l’esprit français : « La France est le pseudonyme de l’intelligence. » D’où, entre autres raisons, l’adoption de la langue française : « Quoique le français soit ardu, je l’ai adopté, ne fût-ce que pour les difficultés que j’y rencontre : je n’écrirai plus jamais en roumain. » (1947), cela même en l’absence d’illusions : « Je ne serai écrivain dans aucune langue. Mon malheur est d’avoir cru que l’âme est tout, alors que les mots sont les véritables dieux. » (même lettre).

    Ce choix de lettres (traduites du roumain pour les premières et plusieurs adressées à la famille ou à certains amis, quelques autres traduites de l’allemand, la plupart écrites directement en français) nous fait parcourir l’existence intime de Cioran entre ses 19 ans et ses 80 ans, avec ses fluctuations, ses évolutions (en amitié, en politique), ses difficultés matérielles et financières, ses maladies, ses rapports avec sa famille, ses sentiments, un ultime amour pour une admiratrice allemande, un surprenant engouement pour les travaux campagnards (« Rien ne me comble autant que ce genre de travaux pour lesquels – ne riez pas – j’ai été fait. »). Et bien sûr nous rencontrons ses amis (Bucur Țincu, Arşavir Acterian et sa sœur Jeni, Armel Guerne, Mircea Eliade…) et nous croisons des écrivains comme Eugène Ionesco, Benjamin Fondane, çà et là Flaubert, Valéry, Beckett et tant d’autres, sans parler des philosophes du passé et du présent. Même si les livres de Cioran laissent entrevoir des pans importants de sa personnalité, ces lettres, judicieusement choisies par Nicolas Cavaillès, révèlent la personne de l’auteur, son isolement farouche et ses compromis avec la société, ses aveux et ses vérités. Dans un style toujours impeccable, parfois délicieusement classique (voir par exemple l’expression « un livre de ma façon »), un apport majeur non seulement à la connaissance de l’homme, mais aussi à la compréhension de son œuvre.

    Jean-Pierre Longre

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  • Queneau et Cioran

    essai, littérature, francophone, anglophone, Raymond Queneau, Cioran, jean-pierre longre, black herald pressJean-Pierre Longre, Richesses de l'incertitude. Queneau et Cioran / The Riches of Uncertainty. Queneau and Cioran. Bilingual book - ouvrage bilingue, translated from the French by Rosemary Lloyd. Black Herald Press, 2020.

    Voir: article de Mircea Anghelescu:

    J.P.Longre.jpg(Observator Cultural)

    Article de Dominique et Daniel Ilea: 

    https://revue-traversees.com/2020/06/20/deux-ecrivains-a-la-loupe

    https://www.litero-mania.com/deux-ecrivains-a-la-loupe/

     

    Bizarre. Lorsque je lis Cioran, je pense souvent à Queneau, et lorsque je lis Queneau, je pense parfois à Cioran. Il s’agit peut-être là d’un phénomène tout simple : pour un familier de Queneau, le risque est de laisser son esprit en être occupé même lorsqu’il lit d’autres auteurs ; pour un familier aussi de la littérature d’origine roumaine, préoccupé entre autres par Cioran, le risque est de laisser à celui-ci le champ un peu trop libre dans des lectures diverses, notamment queniennes… Bref, il me fallait tenter d’élucider la question pour mieux m’en débarrasser, en naviguant entre Exercices de style et Exercices d’admiration.

    How strange. Reading Cioran often puts me in mind of Queneau, and reading Queneau sometimes puts me in mind of Cioran. Perhaps this is really quite a simple phenomenon: for anyone who is familiar with Queneau, there is a risk of letting your mind be taken over by him even when you read other authors, and for anyone familiar with literature from Romania, and preoccupied with such writers as Cioran, the risk is that you will give him too much leeway in your various readings, especially the works of Queneau… In a word, I felt I needed to clarify the question the better to clear my mind of it, as I navigated between Exercises in Style and Exercises in Admiration.

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  • « Il n’est de solution à rien »

    Essai, Roumanie, Cioran, Divagations, Nicolas Cavaillès, Arcades Gallimard, Jean-Pierre LongreCioran, Divagations, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, Arcades Gallimard, 2019

    Débusqué à Paris (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet), cet ensemble d’écrits, qui « date vraisemblablement de 1945 », selon Nicolas Cavaillès, est l’une des dernières œuvres rédigées par Cioran dans sa langue maternelle, avec d’autres « Divagations », publiées en 1949, ainsi que Fenêtre sur le Rien (voir ci-dessous). Ensuite, ce sera Précis de décomposition puis les autres grands textes écrits en français et publiés dans les Œuvres (Gallimard /Pléiade).

    Cioran est adepte du fragment, et ce volume resté à l’état de brouillon lui permet, en pratiquant la brièveté, de s’exprimer en toute liberté, quitte à se contredire parfois – mais le paradoxe est l’une de ses figures favorites (voir : « Entre une affirmation et une négation, il n’y a qu’une différence d’honorabilité. Sur le plan logique comme sur le plan affectif, elles sont interchangeables. »). La brièveté va de pair avec le sens aigu de la formule tendant vers la perfection : « Les pensées devraient avoir la perfection impassible des eaux mortes ou la concision fatale de la foudre. » ; et quoi qu’il en soit, « il n’est de solution à rien ». Ce qui n’empêche pas qu’on surprenne ce sceptique absolu à explorer le versant poétique (bien que sombre) du monde en prenant part « aux funérailles indéfinies de la lumière » et à « la cérémonie finale du soleil », ou en découvrant « un sonnet indéchiffrable » dans « l’harmonie de l’univers ».

    Bref (c’est le cas de l’écrire), les grands thèmes de la philosophie et de la morale cioraniennes se succèdent en ordre aléatoire au fil des pages : la vie (qui n’a « aucun sens », mais « nous vivons comme si elle en avait un »), la mort, Dieu (qui reste à « réaliser »), la révolte (« vaine », mais « la rébellion est un signe de vitalité »), la douleur, la solitude, la tristesse (engendrée notamment par « la pourriture secrète des organes »), cette tristesse inséparable du « dor » roumain, langueur, nostalgie, « ennui profond » de l’inoccupation – tout cela, que l’on pourrait énumérer en maintes citations, est à peine, parfois, adouci par l’idée d’un sursis : celui, par exemple, de l’amour, « notre suprême effort pour ne pas franchir le seuil de l’inanité », ou de la musique, capable de « nous consoler d’une terre impossible et d’un ciel désert », « la musique – mensonge sublime de toutes les impossibilités de vivre ».

    Gardons donc l’espoir – en particulier celui de continuer à lire Cioran : il a beau être « en proie au vieux démon philosophique », gardons-le précieusement, brouillon ou pas, inachèvement ou non, roumain ou français, comme un inimitable écrivain.

    Jean-Pierre Longre

     

    Essai, Roumanie, Cioran, Divagations, Nicolas Cavaillès, Arcades Gallimard, Jean-Pierre LongreSimultanément, paraît chez le même éditeur un autre ouvrage de Cioran :

    Fenêtre sur le rien, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, Gallimard Arcades, 2019

    Présentation de l’éditeur :

    Avec Divagations, ce recueil exceptionnel constitue la dernière œuvre de Cioran écrite en roumain. Vaste ensemble de fragments probablement composés entre 1941 et 1945, ce recueil inachevé et inédit commence par une sentence programmatique : « L'imbécile fonde son existence seulement sur ce qui est. Il n'a pas découvert le possible, cette fenêtre sur le Rien... » Voilà sept ans que Cioran « [moisit] glorieusement dans le Quartier latin », la guerre a emporté avec elle ses opinions politiques et sa propre destinée a toutes les apparences d'un échec : le jeune intellectuel prodigieux de Bucarest a beaucoup vieilli en peu de temps, passé sa trentième année ; il erre dans l'anonymat des boulevards de Paris et noircit des centaines de pages dans de petites chambres d'hôtel éphémères. Fenêtre sur le Rien constitue un formidable foyer de textes à l'état brut, le long exutoire d'un écrivain de l'instant prodigieusement fécond. Dès les premières pages, un thème s'impose : La femme, l'amour et la sexualité - terme rare sous la plume de Cioran -, qui surprend d'autant plus qu'il est l'occasion de confessions exceptionnelles : « Je n'ai aimé avec de persistants regrets que le néant et les femmes », écrit-il. On lit aussi, tour à tour, des passages sur la solitude, la maladie, l'insomnie, la musique, le temps, la poésie, la tristesse. Chaque fragment se referme sur lui-même, et l'on note un souci croissant du bien-dire, du style. Peu de figures culturelles, réelles ou non, apparaissent ici, mais dessinent un univers contrasté et puissant : Niobé et Hécube, Adam et Ève, Bach (pour Cioran le seul être qui rende crédible l'existence de l'âme), Beethoven, Don Quichotte, Ruysbroeck, Mozart, Achille, Judas, Chopin, et les romantiques anglais. Errance métaphysique d'une âme hantée par le vide mais visitée par d'étonnantes tentations voulant la ramener du néant à l'existence, ce cheminement solitaire et amer trouve encore un compagnon de déroute en la figure du Diable, régulièrement invoqué, quand l'auteur n'adresse pas ses blasphèmes directement à Dieu...

     

    www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Arcades

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  • Cioran et la solitude

    Essai, francophone, Roumanie, Cioran, Aurélien Demars, Mihaela-Genţiana Stănişor, Classiques GarnierCioran, archives paradoxales. Nouvelles approches critiques, Tome IV. Sous la direction d’Aurélien Demars et Mihaela-Genţiana Stănişor, Classiques Garnier, 2019

    Présentation :

    « Épreuve ou aubaine du destin, la solitude tourmente sans cesses Cioran. Solitude de soi, d’autrui, de Dieu ou des choses, elle frappe aveuglément tout et tous. Symptôme, détresse ou, au contraire, force, puissance d’autonomie, remède aux tribulations du monde, la solitude enserre Cioran dans l’insoluble mais l’ouvre aussi à l’acmé d’une intériorité tragique aux dimensions cosmiques. Que signifie la solitude cioranienne ? Est-elle éloignement du monde ou rapprochement de soi ? Écrire, donc communiquer, n’est-ce pas contraire à la solitude ? Ne condamne-t-elle pas au silence ? Autant de questions qu’examinent les études réunies ici. »

     

    SOMMAIRE

     

    Pages 7 à 11

    Introduction : « Solitude du destructeur », Demars (Aurélien)

    PREMIÈRE PARTIE, DOSSIER THÉMATIQUE : LA SOLITUDE

    Pages 15 à 34

    « Les solitaires d’E. M. Cioran : aphorismes et fragments. Cioran, maître de la forme courte, et la tradition européenne de l’aphorisme, de la maxime et du fragment », Le Rider (Jacques)

     

    Pages 35 à 57

    « La solitude ou le mal d’être chez Cioran », Stănişor (Mihaela-Genţiana)

     

    Pages 59 à 72

    « Le solitaire : un déserteur sans désert », Garrigues (Pierre)

     

    Pages 73 à 83

    « Solitude et lumière. Ténèbres du troglodyte et éblouissement du désert chez Cioran », Chatelet (Lauralie)

     

    Pages 85 à 105

    « Solitude et silence selon Cioran. Le blasé de la ville et du désert », Demars (Aurélien)

     

    Pages 107 à 113

    « Du vain espoir d’être seul », Zaharia (Constantin)

     

    Pages 115 à 121

    « Sur la solitude de Cioran », Santacroce (Christian)

     

    Pages 123 à 134

    « La solitude cosmique de Cioran », Lăzărescu (Mircea)

     

    Pages 135 à 142

    « La solitude comme lieu de rencontre avec Dieu », Chelariu (Ionuţ Marius)

     

    Pages 143 à 156

    « Cioran et l’entretien avec soi dans la solitude »

    Baron (Dumitra)

     

    Pages 157 à 179

    « Styles de solitude à l’époque de la barbarie », Enache (Răzvan)

     

    Pages 181 à 186

    « Cioran ou la solitude d’un ami », Vanini (Paolo)

     

    Pages 187 à 204

    « Cioran, l’être « impensablement seul », et « la solitude absolue » de Ţuţea. Une correspondance étonnante », Brad (Rodica)

     

    Pages 205 à 214

    « Cioran et Blanchot. Les « hérétiques de l’existence », les hérétiques de la solitude », Popescu (Gabriel)

     

    Pages 215 à 225

    « Penser contre soi, écrire malgré soi. Cioran et Kafka », Garcia-Guillem (Sergio)

     

    Pages 227 à 235

    « Mélancolie, nostalgie et solitude chez Emil Cioran. Les harmonies ibériques », Pérez López (Pablo Javier)

    DEUXIÈME PARTIE : POINTS DE FUITE

    Pages 239 à 245

    « « Dans la tourmente d’un mystique. Une lecture de Cioran », Lesimple (Alain)

     

    Pages 247 à 250

    « Cioran à l’encontre de Valéry », Demars (Aurélien)

     

    Pages 251 à 253

    « Synopsis des principaux colloques internationaux consacrés à Cioran », Demars (Aurélien)

  • « Continuer comme si de rien n’était »

    Essai, francophone, Cioran, Bernard Camboulives, éditions Nicole Vaillant, Jean-Pierre LongreBernard Camboulives, Un automne avec Cioran ou La sagesse de l’anxiété, Éditions Nicole Vaillant, 2016  

    Bernard Camboulives, qui porte un intérêt particulier à la Roumanie et à sa littérature (voir notamment Sur les pas des écrivains roumains), a rencontré Cioran. Rencontre littéraire, certes, mais encore intellectuelle et affective, par le truchement d’un point commun : « En gros, la dépression et son intelligence, sa compréhension » (d’où le sous-titre du livre). Et si l’œuvre de Cioran est prise dans sa globalité, ce sont surtout ses Cahiers qui forment le support de leur cheminement commun, parce qu’ils sont « en prise directe sur l’homme Cioran », et ainsi, peut-on dire, sur « l’homme Camboulives », qui n’hésite pas, en s’appuyant sur d’abondantes citations, à se dévoiler, avec ses propres angoisses, ses propres faiblesses, ses propres « épisodes dépressifs ».

    Livre personnel, donc, qui pourtant n’est pas une autobiographie formelle, mais plutôt une histoire d’amitié profonde entre l’auteur et Cioran, « une sorte d’ami par livre interposé, si j’ose dire, même s’il a pu mentir ou voulu faire croire par omission. ». Car Bernard Camboulives n’est pas dupe de l’ambiguïté des écrits de Cioran, de son humour (noir), qui met à distance le désespoir, le « cafard cosmique » et tout ce qui va avec – les questions sur soi, la maladie chronique de l’âme. Cioran comme thérapie ? En tout cas, il est « un antidote aux mensonges, à l’hypocrisie et aux manipulations en tous genres. ».

    Livre de réflexion sur soi, livre de réflexion littéraire aussi. D’emblée (ce qui est approprié avec Cioran), est mise en avant la langue française, qui a « apaisé » et, en quelque sorte, transformé l’écrivain roumain, qui a ainsi « engagé une nouvelle manière d’être et d’analyser son rapport au monde. ». Et l’on croise bien d’autres auteurs, mis eux aussi à contribution : Herman Melville, Enrique Vila-Matas, Céline, Fernando Pessoa et quelques autres « écrivains du refus ». Cités aussi, notamment dans les « fragments d’un journal d’automne » qui complètent cet Automne avec Cioran, Ghérasim Luca, Molière (Le Misanthrope, bien sûr)… Signalons encore deux analyses en annexe : celle des livres de Sanda Stolojan Au balcon de l’exil roumain et La Roumanie revisitée, et celle de Cioran, Eliade, Ionesco : l’oubli du fascisme d’Alexandra Laignel-Lavastine.

    « L’écriture est rivée en moi comme le poumon est fixé dans ma carcasse. ». Bel aveu, qui éclaire bien des choses. Cet itinéraire parallèle Cioran-Camboulives fait sentir, avant tout, les bienfaits de l’écriture, celle qui, finalement, permet de surmonter l’angoisse et la dépression, et de « continuer comme si de rien n’était ».

    Jean-Pierre Longre

    www.editionsvaillant.net  

    http://jplongre.hautetfort.com/tag/cioran

  • Cortège sombre et serein

    Poésie, Roumanie, Ileana Mălăncioiu, Cioran, Paul Valéry, Nicolas Cavaillès, Barbara Scapolo, éditions hochroth Paris, Classiques Garnier, Jean-Pierre LongreIleana Mălăncioiu, Comme pleurent les âmes seules, traduit du roumain par Nicolas Cavaillès, éditions hochroth Paris, 2016  

    Parler de la mort, c’est tenter non de la nier ou de la chasser, mais de l’exorciser – surtout lorsqu’elle est omniprésente comme c’est le cas tout au long de vers qui, en longs cortèges, peuplent chaque poème ici présenté, menant vers la « sérénité » et une injonction insistante :

                       « Ne ris pas, ne te mets pas toi aussi à comprendre,

                       Reste, reste encore ainsi. Reste, reste encore. ».

    La poésie d’Ileana Mălăncioiu, si elle chante la souffrance, les pleurs, la perte de soi et du monde, les rites sacrificiels, n’est pas à proprement parler morbide. La force de l’expression, la vigueur des images, l’exaltation de la solitude donnent paradoxalement vie à ce qui fonde les doutes humains :

                       «  Qu’il me soit laissé l’incertitude entière

                       que j’ai connue vivante. »,

    clame-t-elle dans l’un des plus beaux textes du recueil (dont la traduction rend parfaitement la fluidité, et dont l’un des vers donne fort justement son titre à l'ensemble).

    Poésie parfois surprenante (où l’on voit, par exemple, un bourreau plein de sollicitude offrir des fleurs à la condamnée au lieu de l’exécuter), poésie successivement violente, sombre, angoissante, apaisée : cette brève anthologie offre un itinéraire captivant « vers la vérité » dont les humains sont toujours en quête.

    Jean-Pierre Longre

    www.paris.hochroth.eu   

     

    Poésie, Roumanie, Ileana Mălăncioiu, Cioran, Paul Valéry, Nicolas Cavaillès, Barbara Scapolo, éditions hochroth Paris, Classiques Garnier, Jean-Pierre LongreNicolas Cavaillès, écrivain, traducteur, essayiste, vient de publier avec Barbara Scapolo Cioran et Valéry, l’attention soutenue (Classiques Garnier, 2016). Cette « perspective comparatiste », précisément documentée et savamment conduite, se compose d’un entretien entre les deux auteurs de l’ouvrage, de deux essais (« Cioran face à Valéry », par Nicolas Cavaillès ; « On est toujours ce qu’on combat », par Barbara Scapolo), puis d’appendices qui reproduisent des textes « rares ou inédits » de Valéry et Cioran illustrant les propos du livre.

    « Valéry est-il un «mystique bloqué»? Que signifie l' «admiration-haine» revendiquée par Cioran? Peut-on voir dans l'œuvre de Cioran l'aboutissement de celle de Valéry? ».  

    www.classiques-garnier.com