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Littérature - Page 10

  • « Plus qu’on ne puisse imaginer »

    roman,roumanie,gellu naum,luba jurgenson,sebastian reichmann,éditions non lieu,jean-pierre longreGellu Naum, Zenobia, traduit du roumain par Luba Jurgenson et Sebastian Reichmann, éditions Non Lieu, 2015

    Gellu Naum (1915-2001) est l’une des figures majeures du surréalisme roumain. Étudiant, il fréquenta Breton et d’autres membres du groupe parisien, se lia d’amitié avec Benjamin Péret et Victor Brauner… Revenu à Bucarest, il fonda après la guerre de 39-45, avec Gherasim Luca, Paul Păun, Virgil Teodorescu, le groupe surréaliste roumain, dont l’activité fut rapidement contrecarrée par la dictature. Gellu Naum ne s’exila pas, ou disons que son exil fut intérieur : poursuivi et fragilisé par la bureaucratie et la censure, il s’installa à Comasa, village situé à quelques dizaines de kilomètres au sud de la capitale. C’est là qu’en 1985 il écrivit Zenobia, récit surréaliste et « rhoman » d’amour (orthographe de l’auteur), dont l’héroïne est inspirée par Lyggia, l’épouse tant aimée, dont le livre contient quelques gravures.

    Surréaliste, ce récit l’est assurément : le rêve et la veille, le réel et l’imaginaire, les pressentiments et les surprises, l’amour fou, les « signes » du hasard objectif et la « disponibilité » du sujet, tout est réuni de ce que Breton avait défini bien des années auparavant. Des leitmotive tels que « Je t’aime plus qu’on ne puisse imaginer » poussent d’ailleurs jusqu’au bout la démarche surréaliste. Et l’héroïne, Zenobia, se situe, avec les variations de rigueur, dans la lignée de l’Aurélia de Nerval, de la Nadja de Breton, de l’Aurora de Leiris, voire de la Nébuleuse de Fernand Dumont – ces femmes-fées qui sont le fruit des rencontres réelles et de l’onirisme magique.

    Le livre de Gellu Naum, pour poétique qu’il soit, répond aussi à des critères romanesques, dans sa continuité : retours de personnages identifiés, parcours géographiques circonscrits depuis marécages jusqu’aux marécages en passant durablement par la ville, Bucarest, digressions vers des épisodes imaginaires ou très réels (toutes ces nouvelles du monde qui se précipitent, s’entrechoquent, délivrées par la reproduction textuelle d’entrefilets journalistiques), et le temps qui blanchit les cheveux. Par-dessus tout, l’amour qui demeure fidèlement, jusqu’au bout.

    Une belle réédition, à recommander à l’occasion du centenaire de la naissance de Gellu Naum.

    Jean-Pierre Longre

    www.editionsnonlieu.fr    

    P.S. : Les éditions Non Lieu poursuivent par ailleurs la publication de Titanic, bulletin de l’association Benjamin Fondane, avec le n° 3 intitulé : Vérité et paradoxe, Kierkegaard, Fondane et la philosophie (actes des rencontres d’avril 2014 à l’Université de Namur).

    http://www.benjaminfondane.org/association-benjamin-fondane.php

     

  • Explosante-fixe

    roman,francophone,roumanie,irina teodorescu,gaïa-éditions,jean-pierre longreIrina Teodorescu, Les étrangères, Gaïa, 2015

    Le nouveau roman d’Irina Teodorescu ne laisse pas le lecteur en repos ; c’est tant mieux. De l’image à jamais fixe de la photographie à l’incessant mouvement circulaire de la danse, il doit se frayer son chemin, le lecteur. Et entre les deux formes artistiques, une troisième s’impose, qui fait le lien : la musique, sonore ou silencieuse. En outre, il y a les voyages, les va-et-vient entre Bucarest et Paris, entre la ville étrange et reposante de Kalior (la plus belle, sans doute) et l’Europe – et par-dessus tout, l’amour.

    La narration est multiple, en instantanés, en spirales, en arrêts sur image, en bonds, autour des deux protagonistes. Il y a d’abord Joséphine, petite puis jeune fille franco-roumaine, élevée sous la dictature de Ceauşescu mais pouvant circuler, avec ses parents, entre la Roumanie et la France. Amoureuse de sa professeure de violon, puis passionnée de photographie, elle sacrifie ses études et ses diplômes à cette passion qui lui vaut un succès international. Et c’est le grand amour : celui de Nadia, la ronde danseuse, avec qui elle va tout partager (la vie, l’art, les voyages, les confidences), et qui va peu à peu se raconter elle-même, raconter leur existence fusionnelle. « Pendant quatre ans, Joséphine et moi fûmes un seul corps. Comme des amantes siamoises. ». Et puis les séparations, les retours, la fuite solitaire vers un ailleurs situé entre veille et rêve, un espace à la fois mouvant et immobile.

    Les étrangères (aux autres, à elles-mêmes, au monde) est un roman de l’entre-deux (entre deux pays, entre deux langues, entre deux arts, entre réel et imaginaire, entre fusion et séparation…) et de la quête d’un absolu artistique : photographier l’invisible (la musique, l’intérieur des gens), danser sur le silence, fixer le mouvement – comme l’image « explosante-fixe » de la « beauté convulsive » chère à André Breton. C’est aussi, et surtout, le roman d’une écriture ; celle d’une auteure qui a appris la langue française à l’âge de 19 ans, et qui quinze ans plus tard parvient à la maîtriser au point de la rendre malléable, et, tout au long de ces 200 pages, d’adapter son style à celui des protagonistes, de leur âge, de leurs préoccupations, de leur tempérament. Laisser leur liberté d’expression à ses personnages, voilà un bel idéal romanesque.

    Jean-Pierre Longre

    www.gaia-editions.com  

     

  • L’ombre du temps

    Horia Badescu, Roulette russe, Chants de vie et de mort, peintures d’Anne Slacik, L’herbe qui tremble, 2015

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    « Chaque poème est un battement de cœur

    Dans chaque battement de cœur vit la mort ».

    Ainsi finit le premier poème, qui donne son titre au recueil. L’apparente opposition entre vie et mort, transformée par la plume du poète, n’en est plus une, tant les deux sont étroitement  unies :

    « Heureux sois-tu

    toi dont l’âme est emplie de morts.

    Ils sont là plus vivants

    que jamais. »

    Cette unité commande la thématique centrale, celle du temps, le « vieux Chronos » qui apporte « l’obstination » de la vieillesse, et qui préside à tout : l’ombre et la lumière, la joie et la tristesse, les « comptes obscurs » des jours, des heures, des années, les traces des visages croisés, des sentiments éprouvés, les paysages, la nature, cette nature qui entretient un lien intime et sacré avec l’humanité : le « frère vent », la « sœur pluie », « la poussière qui se souvient », et

    « Le brin d’herbe dans le ventre

    Du frimas

    Avant qu’il ait gagné

    L’immortalité ».

    Oui, l’immortalité que suggèrent les profondes et infinies peintures d’Anne Slacik illustrant le recueil, la langue à la fois limpide et dense de Horia Badescu, et l’épitaphe finale, en une fusion de la vie et de la mort :

    « Même la mort

    pareille à sa bien-aimée

    l’a charmé ! ».

     

    Jean-Pierre Longre

    http://lherbequitremble.fr

     

  • Entre philosophie et littérature

    philosophie,littérature,roumanie,benjamin fondane,monique jutrin,parole et silenceBenjamin Fondane, Entre philosophie et littérature. Textes réunis par Monique Jutrin, Parole et silence, 2015

    Présentation de l’éditeur :

    « Benjamin Fondane avait songé à réunir ses articles en volume, ainsi qu’il le rappelle dans son testament littéraire de Drancy. Aussi, en rassemblant ces textes épars, auxquels sont joints des inédits, nous avons la sensation de réaliser un vœu de l’auteur.

    Si ces écrits des années vingt et trente peuvent intéresser le lecteur d’aujourd’hui, c’est que Fondane y a pris position dans les grands débats de son époque, tant littéraires et philosophiques qu’idéologiques : à propos de Dada et du surréalisme, du marxisme, de la psychanalyse, des liens entre poésie et métaphysique, de la lecture de Rimbaud ou de Lautréamont, pour ne citer que quelques sujets.

    Un grand nombre d’articles qui se présentent comme des comptes rendus sont en réalité des textes polémiques où Fondane se mesure à un auteur ou à une idée. Dès l’abord, nous sentons qu’il traque quelque chose, qu’il est à l’affût, et son diagnostic est souvent implacable. Il en veut à ceux qui désirent conclure à tout prix et prétendent résoudre les contradictions, et  pourfend ceux qui tentent de mesurer l’art à l’aide de schémas grossiers, le soupesant à l’aide de systèmes établis. Il s’agit toujours d’une lecture profondément engagée, souvent aimantée souterrainement par la pensée de Léon Chestov.

    Fondane suit les consignes de Nietzsche, pour qui l’art de la lecture réside dans la faculté de ruminer : transformer, pour s’en nourrir, le texte d’autrui et en faire son propre matériau. En refermant ce livre, le lecteur reste impressionné par le vaste champ de connaissances de l’auteur dans des domaines aussi divers. Mais avant tout s’inscrivent en lui la voix de ce lecteur singulier, à qui rien n’est indifférent, le regard incisif de celui à qui rien n’échappe. »

    www.paroleetsilence.com

     

  • Passeur de littérature

    revue,francophone,roumanie,marius daniel popescu,jean-pierre longreJournal Le Persil n° 100, puis 101-102-103, automne 2015

    Marius Daniel Popescu aime la vie quotidienne, il aime les gens qui la traversent et la peuplent, et des moindres gestes, des moindres objets, des moindres mots s’échappent sous sa plume des paysages nouveaux – par la parole, le souvenir, l’imagination. Le banal, chez lui, ne l’est jamais; de l’ordinaire naît l’extraordinaire. S’il est besoin de le prouver encore, le numéro 100 du Persil, « journal qui cultive le goût de la cuisine des mots de chaque jour », le fait à merveille. Des poèmes nouveaux, et deux extraits d’un roman à venir (et attendu), Le Cri du barbeau : l’un puisé dans un épisode de la vie actuelle – petits incidents et conversations paisibles –, l’autre dans les souvenirs des « travaux patriotiques » organisés par le « parti unique » – ramassage obligatoire de pommes de terre par les étudiants, sous la surveillance des professeurs d’université, à l’époque de la dictature en Roumanie.

    revue,francophone,roumanie,marius daniel popescu,jean-pierre longreCette centième parution, donc, qui dresse aussi la liste des 99 précédentes, avec tous les détails sur leur sommaire, contient « des textes d’un seul auteur ». Mais le numéro triple qui suit dans la foulée (101-102-103) est, comme la plupart des précédents, laissé à la disposition d’autres auteurs de la Suisse romande (Ivan Farron, Serge Cantero, Bertrand Schmid, Janine Massard, Silvia Härri, Ferenc Rákóczy, Lucas Moreno, Lolvé Tillmans, Dominique Brand, Heike Liedler, Michel Layaz) et de Sanaz Safari, écrivaine iranienne qui, grâce à David André et Marius Daniel Popescu, publie ici ses deux premiers textes écrits en français, « à l’attention d’un lectorat dont elle ignore tout ».

    revue,francophone,roumanie,marius daniel popescu,jean-pierre longreRoumanie, Suisse romande, Iran, et tous les espaces que l’écriture laisse entrevoir : Le Persil, « parole et silence », est un généreux passeur de littérature, au plein sens de l’expression.

    Jean-Pierre Longre

    www.facebook.com/journallitterairelepersil

    mdpecrivain@yahoo.fr

    lepersil@hotmail.com

     

  • Une revue d’écrivains


    Revue
     Seine et Danube, nouvelle série, n° 2, Non lieu, 2015

    revue,francophone,roumanie,seine et danube,éditions non lieu,jean-pierre longre

    Le deuxième numéro de la revue Seine et Danube « nouvelle série », dirigée par Virgil Tanase, tient les promesses du premier (et des sept qui ont précédé il y a quelques années), aussi bien par ses qualités formelles que par l’exigence de son contenu.

    Une bonne partie du volume est consacrée à un dossier Sorin Titel (1935-1985), « grand prosateur de l’époque 1960-1980 », dont la palette d’écriture s’étend d’un relatif réalisme traditionnel à l’expérimentation personnelle. Des fragments de son œuvre (Le déjeuner sur l’herbe et Femme, voici ton fils) sont ponctués par des présentations claires et des analyses fouillées de spécialistes (Liviu Ciocarlie, Marian Victor Buciu, Nicolae Barna). Une belle incitation à (re)découvrir un écrivain à la fois roumain et « européen ».

    Suit une sélection de textes : des pages d’Édith Azam, romancière française originale, à la prose exigeante, intitulées « Caméra » ; des poèmes de Ion Mureşan naviguant entre quotidienneté et « onirisme » particulier, d’autres de Paul Vinicius, poète au verbe à la fois charnel et lyrique, de la même génération que le précédent et lui aussi l’une des grandes voix de la poésie roumaine contemporaine – tous deux ici traduits, qui plus est, par deux vrais écrivains, respectivement Nicolas Cavaillès et Radu Bata.

    Des notes critiques sur des parutions récentes (La malédiction du bandit moustachu d’Irina Teodorescu, Les vies parallèles de Florina Ilis, Le levant de Mircea Cartarescu, Pourquoi le saut des baleines de Nicolas Cavaillès, Le fil perdu de Jacques Rancière, Terminus Allemagne d’Ursula Krechel) et, toujours précisément ciblées, les « Frappes chirurgicales » de Dumitru Tspeneag, rédacteur en chef, complètent un ensemble de haute tenue littéraire, une revue construite sur et par des écrivains, pour des lecteurs qui – oui, il y en a encore, sûrement – s’intéressent à la littérature et aux liens culturels qui unissent la Roumanie et la France.

    Jean-Pierre Longre

    www.editionsnonlieu.fr

     

  • Le jeu, l’absurde, la création

    poésie,roumanie,călin torsan,jean-pierre longre,gabrielle danouxCălin Torsan, Brocs en stock, « Miniatures dont l’émaille s’écaille », traduit du roumain par Gabrielle Danoux, 2015

    Le titre choisi par la traductrice (au plus près, formellement parlant, de l’original) sonne comme celui d’un album d’Hergé. De fait, ce recueil plein de surprises (heureuses), ces textes pleins de retournements (déroutants) penchent souvent du côté du jeu : jeux de sonorités, de mots, de lettres même. Certains passages ne dépareraient pas dans un ensemble d’exercices oulipiens, tels « Le ciron devenu étalon », qui utilise la technique de la « littérature définitionnelle » illustrée par Raymond Queneau, ou « Le retour de Bob », dans lequel la recherche de l’inspiration passe par les citations de grandes œuvres du patrimoine.

    Si les auteurs célèbres sont parfois sollicités, Călin Torsan semble avoir une prédilection pour l’obscur et l’anonyme. Prédilection, par exemple, pour les écrivains et les artistes méconnus, oubliés, voire fictifs, dont les ambitions sont contrecarrées par des contraintes matérielles, par la malchance ou tout bonnement par le manque de talent – parfois même par le hasard d’une goutte de sueur (le grand Eminescu devenant un certain « Eminesou », ou l’inverse ?). D’ailleurs les détails de la vie quotidienne (la cuisine, la télévision, les transports en commun, on en passe) interfèrent abondamment dans l’existence des personnages, provoquant des réactions ou des rapprochements inattendus. Et cela jusqu’à l’absurde, à l’énigmatique, mêlant parfois le rêve et la veille, les affres du cauchemar et les plaisirs de la réalité.

    Sans oublier l’humour, omniprésent : humour noir, grivoiserie, rire burlesque, noms rigolos, comique de situation, ironie, satire… Toutes les tonalités y passent, de la franche bonne humeur à la dérision. Mais le rire est rarement gratuit. Il entre dans ce que l’on peut considérer comme le sujet principal de l’ouvrage (dont les 220 pages, soit dit en passant, contiennent de nombreux autres ouvrages en germe, esquissés, suggérés) : les processus de création artistique, littéraire, linguistique, autrement dit la manière dont l’être humain tente d’exprimer ses sentiments et ses sensations. Et si l’on peut faire ici différents  rapprochements (avec Borges, Queneau déjà cité, Kafka, Ionesco, Urmuz…), Călin Torsan se révèle comme un écrivain complet et orignal. Brocs en stock le prouve.

    Jean-Pierre Longre

    http://www.babelio.com/livres/Torsan-Brocs-en-stock/772552

    P.S.: Gabrielle Danoux a aussi traduit récemment Le collectionneur de sons d’Anton Holban, « le plus proustien des écrivains roumains ». Chronique à venir ici.

     

  • « Entre toi et moi ». Mère et fils


    Marius Chivu, La ventolière en plastique, traduit du roumain par Fanny Chartres, illustrations de Dan Stanciu, M.E.O., 2015

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                                « elle dit qu’elle est la ventolière en plastique

                                me chuchote qu’elle a des robes en kiwi

                                des pulls en bois parfumé

                                un jardin de macarons

                                et des plages de sables parlants ».

    Un poème surréaliste ? Oui, si l’on veut, mais forgé par une femme paralysée, amnésique, pour laquelle son fils aimant, aux petits soins avec elle, a écrit les beaux textes en vers livres qui composent ce recueil.

    Pas de pathos, pas de lamentations grandiloquentes, mais des paroles simples, celles que le jeune homme adresse à celle qui, encore jeune elle-même, lui adresse en retour des regards, lui fait des demandes parfois étranges, lui répercute les rêves qui hantent son sommeil… Par-dessus tout, l’amour mutuel, filial et maternel, qui s’exprime jusque dans les silences, à travers les gestes banals de la vie quotidienne, les sensations physiques, les souvenirs d’enfance.

    Dans une typographie expressive (les italiques, les caractères gras), tout s’exprime en collages de mots et de phrases dont le voisinage crée l’étincelle poétique – comme cela se passe en images avec les illustrations de Dan Stuciu –, et qui abordent les grandes préoccupations de l’existence humaine : le temps, la mémoire, la mort, la perte de soi et de l’autre, la religion, la musique, la famille, le rire et les pleurs, la souffrance, la nature, le cycle des saisons… Le travail littéraire (et, dans le cas présent, celui de la traduction) n’exclut pas l’émotion, au contraire. Il tend ici vers le témoignage d’un amour sans faille (« Pour lui montrer à quel point je l’aime / mes cheveux ont blanchi ») qui reconstruit, au-delà de la maladie et du chagrin, une personnalité bien vivante :

                                « son monde

                                est resté malgré tout ordonné et propre

                                réglé

                                pas un instant il n’a cessé de tendre

                                vers l’harmonie »

    Jean-Pierre Longre

    www.meo-edition.eu

  • Hommes entre eux

    nouvelle,francophone,roumanie,dominique ilea,anca-domnica ilea,editura tracus arte,jean-pierre longreDominique / Anca-Domnica Ilea,  Faire la paire / Perechi Nepereche, Editura Tracus Arte, Bucarest

    Dominique (Anca-Domnica) Ilea est non seulement traductrice, mais elle est aussi écrivain, qui plus est aussi bien en français qu’en roumain. Ce recueil en est un témoignage probant : six nouvelles écrites en français, complétées par leur traduction en roumain – ce qui, disons-le, n’est pas banal pour une native de Roumanie (l’inverse est plus courant). Pas banal, mais réussi : Dominique Ilea est aussi à l’aise dans sa langue d’adoption que dans sa langue maternelle.

    Deuxième originalité : le thème commun aux six récits : les amours masculines. Ainsi s’explique le titre : « Faire la paire », c’est s’aimer entre hommes ; les couples se forment peu à peu, depuis les premiers émois jusqu’aux jeux érotiques. Se rencontrent au fil des textes des hommes de toutes sortes, de tous âges, des savants, de jeunes ingénus, un chevalier, un astronaute, un prince, un policier, un philosophe, mais aussi des êtres venus d’ailleurs.

    Car il y a une troisième originalité : si les êtres d’ici-bas forment souvent entre eux des « paires » paradoxales (« Le Suspect et le Flic », « le Duc et le Montagnard »), ils s’éprennent aussi, malgré eux mais irrémédiablement, de créatures issues de divers au-delà : un « cyborg » inattendu, un fantôme entreprenant, un démon aux apparences familières mais au regard étrange… Ainsi le charme sulfureux des histoires d’amour se pimente-t-il de merveilleux et de fantastique. Et la variété des tons, la vivacité du style – en français comme en roumain – renforce encore le goût de ce piment.

    Jean-Pierre Longre

    www.tracusarte.ro

     

  • « Une bibliothèque vivante »

    revue,francophone,roumanie,benjamin fondane,jean-pierre longreCahiers Benjamin Fondane n° 18, 2015

    Janvier 1944. « Benjamin Fondane écrit des lettres de vœux à ses amis. Ce seront les dernières », puisqu’il mourra en octobre à Auschwitz-Birkenau. Trois de ces lettres ouvrent ce nouveau numéro des Cahiers Benjamin Fondane, placé ainsi sous le signe de l’émotion et de l’amitié.

    Mais l’écrivain était aussi « un lecteur singulier », comme le dit Monique Jutrin (directrice de la publication) dans son introduction ; une bonne partie du volume est consacrée aux lectures de Fondane, à sa « bibliothèque vivante » : il y est question du surréalisme (Agnès Lhermitte, Serge Nicolas), de la philosophie (Saralev Hollander, Alice Gonzi, Aurélien Demars) ; du théâtre (Eric de Lussy), de la Bible (Elisabeth Stambor).

    La seconde grande partie porte sur « Fondane et la Grande Guerre », avec des articles de Carmen Oszi, Margaret Teboul, Aurélien Demars, et aussi de Fundoianu lui-même, traduits du roumain par Carmen Oszi, Odile Serre et Aurélien Demars.

    Quelques autres études (Gisèle Vanhese sur Benjamin Fondane et Yvan Goll, Dominique Gauch sur le même et Freud), ainsi que plusieurs textes traduits du roumain par Odile Serre, des notes de Jil Silberstein et Carmen Oszi, diverses informations et une bibliographie complètent ce numéro dont la richesse scientifique n’occulte pas la sensibilité poétique de celui qui écrivait en 1944 :

    Toujours en train

    de lire un livre !

    Toujours en train

    d’écrire un livre !

    Et tout à coup la neige tranquille dans ma vitre

     

    Jean-Pierre Longre

    Site de la Société d’études Benjamin Fondane : www.benjaminfondane.com

     

  • Seine et Danube, le retour

    revue,francophone,roumanie,seine et danube,dumitru tsepeneag,virgil tanaseSeine et Danube, nouvelle série, n° 1 (7).

    Elle revient, pour le plus grand bien de la vie littéraire franco-roumaine et européenne.

    Voici des extraits de l’éditorial de Dumitru Tsepeneag :

    « Le numéro précédent, le n ° 6, est paru en juin 2005. Voici les dernières lignes (page 180) qui sonnent comme une épitaphe: « Notre revue est menacée de disparaître. Sa disparition pourra

    montrer mieux que n'importe quel discours à quoi elle servait. À peu de chose… Seulement à la survie dans la conscience des autres d'une littérature de plus en plus absente en Europe, de

    plus en plus isolée. » Que peut-on faire si on est menacé de disparition?

    Attendre… Attendre que ça arrive.

    Et si on a vraiment disparu?

    Attendre encore. Attendre de ressusciter, de renaître.

    Quoi d'autre !.. […]

    On a attendu donc dix ans pour reparaître. Pendant ce temps, on a fondé l'Association des traducteurs de la langue roumaine (ATLR) et on a lancé une revue en ligne baptisée — quelle obstination! — Seine et Danube : sans éditeur, sans papier, sans payer les collaborateurs et sans trop de lecteurs non plus. Évidemment, ça ne coûte pas cher !.. Laure Hinckel s'est dévouée pour assurer le secrétariat.

    Notre pari reste le même : démontrer que la Seine et le Danube sont assez proches, et pas seulement leurs sources. En dépit de la diversité linguistique, la littérature européenne

    a des origines communes, qu'elles soient grecques, latines ou judéo-chrétiennes. Le soi-disant communisme n'a jamais réussi à provoquer une division irréversible entre l'Ouest et l'Est. Le dit capitalisme bancaire ne réussira pas non plus. Notre projet n'a pas changé : faire une revue européenne sans complexe et sans démagogie. »

     

    Comité de rédaction : Nicolas Cavaillès, Radu Ciobotea - directeur responsable, Ciocârlie Corina, Laure Hinckel, Jean-Pierre Longre, Eric Naulleau

     

    Coordinateurs : Virgil Tanase et Dumitru Tsepeneag

     

    Correspondants : Nicolae Bârna (Bucarest), Gerhardt Csejka (Frankfurt), Jenö Farkas (Budapest), Ion Pop (Cluj), Rumiana Stantcheva (Sofia)

     

    La revue Seine et Danube est publiée avec le concours de l'Institut culturel roumain

     

    Sommaire de ce premier numéro :

    DUMITRU TSEPENEAG : Éditorial

    Hommage à Alain Paruit

    ALAIN PARUIT : Traduction inédite de sept poèmes de Virgil Mazilescu

    DOSSIER: LE THÉÂTRE DU MOT VIDE

    VIRGIL TANASE : Le chariot vide

    EUGEN SIMION : L’anglais sans maître, extrait de Le Jeune Ionesco

    PHILIPPE LOUBIÈRE : Teodor Mazilu, un théâtre de démythisation

    TEODOR MAZILU : Quatre pièces en un acte :

    Bénies soient les peines de coeur

    Une féroce harmonie conjugale

    Compétition

    Pour la galerie

    TEODOR MAZILU : Idiots au clair de lune (fragment)

    JEAN-PIERRE LONGRE: Matei Visniec poète de scène

    MATEI VISNIEC : Orient, Occident (fragment)

    MIRCEA GHITULESCU Horia Gârbea : Un théâtre de l'intertextualité

    HORIA GÂRBEA Mme Bovary c'est les autres

    MIRELA NEDELCU PATUREAU: Comment définir un cri…

    SEBASTIAN VLAD POPA: Le pittoresque global dans la dramaturgie roumaine

    JENO FARKAS ET FRANCIS COMBES : Deux poètes hongrois

    TIBOR ZALÁN: La fatigue des cadences 1

    Les fenêtres

    Sur une carte postale dans l'ombre d'Ovide

    ANDRÀS PETOCZ: Dieu s'exile

    Dieu à Vienne

    Dieu au village

    Quand, l'autre jour, Dieu

    Dieu est solitaire

    JULIEN GAILLARD : La Maison

    DANIEL POZNER: Récréations et amusements :

    Théâtres

    Spectacles divers

    SORIN MÀRCULESCU : L’hymne 82

    EMIL BOTTA: Le Théâtre

    Les Actrices

    CHRONIQUES ET ARTICLES

    GEORGE BANU

    Avec Shakespeare et Purcarete à Budapest

    ALESSANDRO BERTOCCHI

    Le montage de la scène originaire 237

    NICOLAE BÂRNA

    À la recherche d'Eugène Ionesco

    ED PASTENAGUE

    Un amoureux de la poésie roumaine

    RADU BATA Le saut de l'ange et la transgression des genres

    DUMITRU TSEPENEAG

    Frappes chirurgicales

     

  • Marius Daniel Popescu. « Parole et silence », écriture toujours

    Mars 2015. Rencontre lecture avec l’écrivain Marius Daniel Popescu

    MD Popescu

    Le 3 mars 2015, après avoir participé à une séance de séminaire sur la littérature roumaine d’expression française organisée par l’Université de Lyon (Lyon 2, Lyon 3 et l’ENS), Marius Daniel Popescu était invité par l’association Rhône Roumanie et leConsulat Général de Roumanie à Lyon, avec le partenariat de la librairie Passages, à une soirée de lecture et de discussion organisée dans les locaux du Consulat Général.

    Né en 1963 en Roumanie (Craiova), Marius Daniel Popescu réside en Suisse (Lausanne) où il est conducteur de bus et écrivain de langue française. Il est l’auteur, notamment, de deux recueils de poèmes, 4×4 poèmes tout-terrains (1995) et Arrêts déplacés(2004), publiés chez Antipodes (Suisse), et de deux romans publiés chez José Corti : La Symphonie du loup (2007) et Les Couleurs de l’hirondelle (2012). Il est d’autre part le créateur et l’animateur du journal littéraire Le Persil. Ses écrits ont reçu diverses récompenses importantes, dont le Prix Robert Walser.

    La rencontre avec cet écrivain atypique, passionné, fut à la fois dense, pleine de vivacité et d’échanges animés. Marius Daniel Popescu lut avec une vigueur quasiment théâtrale des poèmes représentatifs de son art de la transfiguration du réel, ainsi que de substantiels passages de ses romans, donnant ainsi des échantillons de son style caractérisé par l’attention enthousiaste aux moindres détails de la vie, aux faits et gestes des gens dans leur existence quotidienne, aux souvenirs personnels, à la sonorité des mots et des phrases, dans une langue qu’il a apprise avec obstination er d’une manière personnelle en arrivant en Suisse, en 1990. Après des séries de questions posées par des spectateurs (roumains et français) fort intéressés et de réponses directes, parfois vives, toujours sincères et concrètes, l’écrivain lut en avant-première un extrait de son prochain roman, dont la publication est aussi prévue chez José Corti . Le public nombreux (une quarantaine de personnes) ne pouvait pas sortir indifférent de ce dialogue riche et plein d’enseignements originaux sur le travail littéraire de l’écrivain.

    Jean-Pierre Longre

    N.B. Des comptes rendus des ouvrages de Marius Daniel Popescu figurent dans la rubrique «livres  » du site de Rhône Roumanie : http://rhone.roumanie.free.fr et sur http://jplongre.hautetfort.com/tag/marius+daniel+popescu

     

    « Parole et silence », écriture toujours

    Le Persil, numéros 94-95 et 96.

    Marius Daniel Popescu (voir ci-dessus) n’est pas seulement poète et romancier, il est aussi, rappelons-le,  journaliste. Le Persil, « journal inédit, à la fois parole et silence », est toujours publié sous son égide et sa responsabilité, même si les pages en sont ouvertes depuis longtemps à d’autres auteurs.

    Les deux derniers numéros l’attestent, chacun dans son domaine thématique.  Le numéro double 94-95 (décembre 2014) poursuit l’enquête amorcée en 2013 sur les maisons d’édition de la Suisse romande. Daniel Vuataz et Vincent Yersin ont repris la route « entre Genève, La Chaux-de-Fonds, Fribourg et Sion » pour faire de nouvelles rencontres, photos, interviews d’éditeurs et d’éditrices qui, quels que soient leurs domaines spécifiques, ont au moins un but en commun : faire vivre la littérature. Mentionnons au passage les éditions Héros-Limite, dont la dénomination reprend le titre d’un recueil de Ghérasim Luca. Descriptions, entretiens, extraits de textes et « fiches d’identité » donnent une idée précise de la richesse éditoriale (du point de vue littéraire en tout cas) de la Suisse romande.

    Le numéro 9 (mars 2015), réalisé par Daniel Maggetti et Daniel Vuataz,  est consacré au grand écrivain « classique » de la Suisse francophone, Charles-Ferdinand Ramuz. Il contient les six textes de « gymnasiens » primés au concours « Ramuz », ainsi que ceux de plusieurs jeunes auteurs s’exprimant sur leur célèbre prédécesseur. Un beau numéro, qui rappelle si nécessaire, et paradoxalement, que la littérature suisse de langue française ne se réduit pas à Ramuz…

    J.-P. Longre

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