Horia Badescu, Roulette russe, Chants de vie et de mort, peintures d’Anne Slacik, L’herbe qui tremble, 2015
« Chaque poème est un battement de cœur
Dans chaque battement de cœur vit la mort ».
Ainsi finit le premier poème, qui donne son titre au recueil. L’apparente opposition entre vie et mort, transformée par la plume du poète, n’en est plus une, tant les deux sont étroitement unies :
« Heureux sois-tu
toi dont l’âme est emplie de morts.
Ils sont là plus vivants
que jamais. »
Cette unité commande la thématique centrale, celle du temps, le « vieux Chronos » qui apporte « l’obstination » de la vieillesse, et qui préside à tout : l’ombre et la lumière, la joie et la tristesse, les « comptes obscurs » des jours, des heures, des années, les traces des visages croisés, des sentiments éprouvés, les paysages, la nature, cette nature qui entretient un lien intime et sacré avec l’humanité : le « frère vent », la « sœur pluie », « la poussière qui se souvient », et
« Le brin d’herbe dans le ventre
Du frimas
Avant qu’il ait gagné
L’immortalité ».
Oui, l’immortalité que suggèrent les profondes et infinies peintures d’Anne Slacik illustrant le recueil, la langue à la fois limpide et dense de Horia Badescu, et l’épitaphe finale, en une fusion de la vie et de la mort :
« Même la mort
pareille à sa bien-aimée
l’a charmé ! ».
Jean-Pierre Longre