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lucian raicu

  • Littérature au micro

    Essai, Roumanie, Lucian Raicu, Dominique Ilea, L’Harmattan, Jean-Pierre LongreLucian Raicu, Cent lettres de Paris, traduit du roumain par Dominique Ilea, L’Harmattan, 2016  

    Lucian Raicu (1934-2006), originaire de Iaşi, fameux essayiste dans son pays, fut obligé de quitter celui-ci en 1986. Exilé à Paris, il tint pendant les années 1990, au micro de Radio France Internationale, des chroniques littéraires destinées à ses compatriotes, qui furent réunies en volume en 2010. La traduction fort bien venue de cette centaine de textes montre que, pour oraux qu’ils fussent, chacun d’entre eux est une brillante et durable contribution à la connaissance de la littérature et de la pensée françaises. Comme l’écrit Dominique Ilea dans sa présentation, Lucian Raicu est un « maître du croquis au fusain, de la fléchette qui fait mouche, du petit angle insoupçonné qui vous redessine tout un paysage ».

    Dans un ordre chronologique, de Pascal à Deleuze, de La Fontaine à Blanchot, de Voltaire à Sartre, les grands noms du patrimoine sont passés au crible, avec un sens de la synthèse et une finesse d’analyse qui ne laissent de côté ni admiration ni concessions. Certains d’entre eux ont le privilège de faire l’objet de plusieurs articles, et nous trouvons ainsi des sortes de blocs comparables à de véritables essais sur, par exemple, Voltaire, Michelet, Mauriac, Sarraute… Parmi les écrivains choisis, comme on pouvait s’y attendre, des mentions spéciales pour plusieurs franco-roumains : Benjamin Fondane, qui « se sent comme un poisson dans l’eau dans la littérature française » ; Ionesco, avec lequel l’auteur s’est senti en émouvante affinité en traversant le Louvre dans le bus 39 ; Cioran, le « prophète de la “décomposition” »… Sans compter tous ceux que l’on rencontre au passage, et dont l’abondance est attestée par l’index de fin de volume.

    Si la plupart des textes ont pour centre les écrivains, ils n’ont rien de principalement biographique. Ceux-ci sont des supports, des points de départ pour une réflexion sur la littérature, sur la philosophie, sur les rapports qu’elles entretiennent. Il peut s’agir d’une méditation désabusée, à propos de Verlaine, sur la mort des poètes et le peu de retentissement qu’elle a à notre époque, ou de considérations sur un genre remis à la mode dans les années 1990, la biographie d’écrivain. Et tout au long des pages se pose ouvertement ou en filigrane la question de la littérature, de sa définition, de sa finalité, de sa vitalité. À ce sujet, voici une réflexion qui a d’autant plus de poids qu’elle vient d’un exilé politique : « Les grands écrivains inventent un langage, voire une autre langue, qui se démarque étrangement de la collective, la défie, la sape, niant sa globalité, ses prétentions autoritaires, son totalitarisme, sa dictature (une dictature de la « majorité » dominante) ».

    Ces Cent lettres de Paris envoyées aux auditeurs puis aux lecteurs roumains, revenues en France par le truchement de la traduction, proposent à chacun de tracer son itinéraire dans les immensités de la littérature. Un guide inépuisable…

    Jean-Pierre Longre

    www.harmattan.fr