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poésie - Page 4

  • Revues de printemps

    Entre France et Roumanie (en passant par la Suisse), quelques numéros de revues viennent de paraître, que l’on ne peut que recommander.

     

    • Le n° 19 des Cahiers Benjamin Fondane (2016) est consacré d’une part à des « relectures du Mal des fantômes, d’autre part à un dossier sur « Fondane lecteur », toujours sous la direction de Monique Jutrin.

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    Sommaire :

    Voir www.benjaminfondane.com/les_cahiers-la_liste-0-1-1-0-1.html

    Sur Le bal des fantômes, cliquez ICI 

     

    Le Persil, que Marius Daniel Popescu et ses amis publient sans relâche, et dans les vastes pages duquel ils laissent libre expression à des poètes, des écrivains, des artistes de tous horizons.

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    • N° 106-107-108 (automne 2015) : « Parce qu’à deux, c’est mieux. Textes courts et arts graphiques ». (« De l’encre à l’encre, des mots aux traits »). « Quarante-huitb auteurs et artistes qui font la paire et dialoguent librement entre texte et image ».
    • • N° 109-110-111 (hiver 2015-2016) : « Atelier d’écriture à la Fondation du Levant de Lausanne », avec les « contributions de trois écrivains consacrés : Bertl Galland, Daniel Abimi et Jean Chauma ».
    • N° 115-116-117-118 (mars 2016) : « Poésie », « numéro quadruple qui contient de la poésie sous toutes ses formes, inédite et écrite par soixante-huit auteur-e-s de Suisse romande réuni-e-s à l’occasion du Printemps de la Poésie ».

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    Voir : www.facebook.com/journallitterairelepersil

     

    Revue Europe n° 1045 (mai 2016) : Numéro consacré à Ghérasim Luca

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    Présentation :

    « Né en 1913 à Bucarest, Ghérasim Luca parlait roumain, français, allemand et yiddish. En 1962, dix ans après son installation à Paris, il notait pour lui-même cette proposition paradoxale et forte : « Je suis l'Étranjuif ». Il attendit en effet la fin des années quatre-vingt pour abandonner son statut d'apatride, obligé qu'il était de régulariser ses papiers d'identité. Son suicide, le 9 février 1994 dans la Seine, est venu comme rappeler non seulement qu'il se considérait comme définitivement « hors la loi », mais aussi qu'il avait toujours dansé sur la corde. Ses œuvres pleines de sa vie et sa vie entièrement consacrée à ses œuvres en témoignent toujours puisque sa danse continue à entraîner, à encourager et même à enflammer ici et ailleurs, à la fois douloureusement et de manière jubilatoire, en inventant multiplement « une littérature impossible de tous côtés ». Ghérasim Luca est bien un de nos grands intempestifs ! Surréaliste roumain, fabricant de « cubomanies » et de livres d'artistes méticuleusement réalisés, ami de Victor Brauner, de Wifredo Lam et de quelques autres peintres majeurs, poète sonore ou plutôt « récitaliste » faisant de la voix un prolongement du corps, Ghérasim Luca ne peut en réalité s'accorder avec une telle addition que d'aucuns compléteront forcément… sans jamais pouvoir en faire le tour.  Car ses œuvres et sa vie sont placées sous le signe d'un perpétuel débordement. Elles font un tourbillon dans le fleuve de notre devenir, tant du point de vue du poème que plus généralement des arts et du langage.

    « Le plus grand poète français, mais justement il est roumain, c'est Ghérasim Luca », disait Gilles Deleuze. À ses yeux, Luca était de ceux qui inventent «  des vibrations, des rotations, des tournoiements, des gravitations, des danses ou des sauts qui atteignent directement l'esprit ». Amour, humour, politique, éthique et poétique étaient indissociablement liés chez ce forgeur sauvage et subtil qui écrivait : « tout est irréalisable dans l'odieuse / société de classes, tout, y compris l'amour / la respiration, le rêve, le sourire / l'étreinte, tout, sauf la réalité / incandescente du devenir ».

    Serge Martin, Ghérasim Luca, Pierre Dhainaut, Thierry Garrel, Monique Yaari, Bernard Heidsieck, Bertrand Fillaudeau, Charles Pennequin, Patrick Beurard-Valdoye, Joël Gayraud, Sebastian Reichmann, Nicole Manucu, Anne Foucault, Jean-Jacques Lebel, Iulan Toma, Vincent Teixeira, Dominique Carlat, Sibylle Orlandi, Charlène Clonts, Laurent Mourey, Patrick Fontana, Alfredo Riponi, Alice Massénat. »

    CAHIER DE CRÉATION / ÉCRIVAINS ROUMAINS

    Gabriela Adameşteanu, Dan Lungu, Florina Ilis, Norman Manea, Marius Daniel Popescu, Nora Iuga.

    Cahier conçu par Jean-Yves Potel et Gabrielle Napoli.

    Voir : www.europe-revue.net/sommaire-mai.html

    Voir aussi: http://livresrhoneroumanie.hautetfort.com/archive/2016/05/16/l-or-des-mots-5801407.html 

  • L’or des mots

    Poésie, francophone, Roumanie, Ghérasim Luca, José Corti, Jean-Pierre LongreGhérasim Luca, La paupière philosophale, José Corti, 2016  

    Chez Ghérasim Luca, la parole poétique plurielle et singulière, fragmentaire et fluide. On le constate dans tous les recueils à la fois issus du surréalisme et tendus vers la poésie sonore, l’expérimentation et la performance, composés de textes dans lesquels les mots sont plus que des mots : des objets saturés de sons et de sens, répartis dans leurs vers comme des notes sur leurs portées.

    Le titre du recueil est celui de la première partie : La paupière philosophale – et c’est déjà tout un programme incluant la manipulation verbale et le jeu sonore. On découvre dans les poèmes (où pullulent les allitérations en « p ») la volonté de « muer le vil métal / en pot-au-feu d’or mental » et de se couler dans une « peau fine / paupière finale / fatale / philosophale ».

    Suivent neuf autres mini-recueils consacrés à des pierres précieuses. Non pour les décrire, mais pour tirer de leurs noms, en formules délicates, les riches sonorités qu’ils contiennent (l’opale « avec les pôles d’une pile », le lapis-lazulis « sur la piste du lis », la chrysophrase (chrysoprase ?), « cristal du sophisme / et sopha du phonème », la turquoise, « truc coi et oisif », l’émeraude « comme la mère d’une robe » – ce ne sont que quelques exemples). Avec cela, le poète ne rechigne pas à chanter des refrains enfantins (« turlututus et turlurettes ») ni à se jouer de mots rares comme « ulex », « saphène », « sarrussophone », « thrips », « cynips » et autres termes spécialisés.

    Dans une langue épiée, espionnée, triturée, malaxée, remâchée, La paupière philosophale opère une extraction à la fois douloureuse et jubilatoire de l’or des mots.

    Jean-Pierre Longre

    www.jose-corti.fr

    www.jose-corti.fr/auteursfrancais/luca.html

  • Le poète : « Chargé de vers comme l’automne de fruits »

    Poésie, Roumanie, Ion Pillat, Gabrielle Danoux, Muriel Beauchamp, Dinu Pillat, Jean-Pierre LongreIon Pillat, Monostiches et autres poèmes, traduit du roumain par Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp, 2016 

    Ion Pillat (1891-1945), diplomate, officier, francophile résolu (il fit ses études à Paris et traduisit en roumain plusieurs écrivains français), homme de théâtre, reste connu comme un poète libre de toute influence contemporaine, plutôt attaché dans son écriture à une tradition que l’on a tenté de définir comme classique, parnassienne, symboliste… Cette diversité d’appréciation est un signe de singularité, d’originalité, et ses poèmes méritaient amplement d’être montrés au public français – ce que Gabrielle Danoux et Muriel Beauchamp ont fait avec ce choix de textes traduits dans le respect de la versification, de la musicalité et de l’inspiration originales.

    Et avec toute la variété de leurs formes, de leurs rythmes et de leurs tons. Le volume se compose de deux parties. D’abord des « monostiches », ces poèmes d’un seul vers dont la densité est telle qu’ils en disent plus ou autant que de longs textes. Quelques exemples :

             À Voroneţ, le soir : « S’agenouillait devant les saints de la fresque le coucher du soleil. ».

             Le berger : « Sa flûte à la bouche, dès qu’il se tait, la forêt joue. ».

             Abondance : « Aujourd’hui, j’ai croisé l’automne en char tiré par des bœufs. ».

    Puis des poèmes développés aux thèmes variés : l’art pictural ou architectural (la cathédrale de Chartres et sa lumière, par exemple), le village (roumain), les souvenirs (parmi lesquels celui d’Ovide à Tomis), les émotions, les évocations du pays d’origine et de la France – le tout en vers sonnants, aux rimes ou assonances douces ; des sonnets même et, pour finir, un oratorio maritime fermant le recueil et ouvrant l’horizon sur « le murmure croissant des vagues ».

    Jean-Pierre Longre

    http://www.babelio.com/livres/Pillat-Monostiches-et-autres-poemes/804414

    Dinu Pillat, fils de Ion Pillat, est l’auteur d’un roman au destin aventureux, En attendant l’heure d’après, traduit par Marily Le Nir (Éditions des Syrtes, 2013). On en trouvera une présentation et un commentaire ici ou .

  • Poésie et gravure

    Poésie, gravure, francophone, Roumanie, Cornelia Petrescu, Marc Pessin, Le verbe et l'empreinteCornelia Petrescu, Le sagittaire, Marc Pessin, Encres, Le verbe et l’empreinte, 2016

    Présentation :

    « Les poèmes de Cornelia reflètent des tensions contradictoires, tantôt vers une relation intime, profonde, avec la langue et le pays d’adoption, tantôt vers cette voix qui refuse de se taire, qui l’appelle du tréfonds de ses racines et qui n’est pas sans rappeler l’aveu d’un  autre  créateur  roumain  déraciné, Panaït Istrati : « Je suis venu dans les lettres françaises avec une âme roumaine, mais je dus lui prêter un masque français. Quand je tentai de rendre à cette âme son visage roumain, je ne le pouvais plus ; elle s'était éloignée avec un visage étranger »… Devenir conscient de soi incite à se voir avec les yeux de l’Autre. C’est ce que font Cornelia Petrescu, frêle mais fort saule pleureur, et Marc Pessin, qui nous parle autrement d’une vision identitaire. Cette rencontre, elle-même improbable, a mis en communication directe et empathique, dans un petit bourg blotti dans les Alpes, une Roumaine adoptée par la France et un Français connaisseur d’art et de poésie roumaine. En résulte un joyau inouï, limpide et tressé de mille fils invisibles qui font oublier le travail qui se cache derrière, le chagrin inguérissable qui nourrit la parole, les non-dits, les doutes et les questions sans réponse, pour éclater au grand jour comme un nuage délicat qui se dissout dans la lumière.»

                                                                                           Simona Modreanu

    (Docteur ès Lettres de l'Université Paris 7, écrivain, traducteur, professeur de langue et de littérature française à l'Université "Alexandru Ioan Cuza"de Iaşi)

    Poèmes accompagnés de 5 encres de Marc Pessin imprimés en Palatino sur conqueror vergé 21x30 cm en feuilles sous couverture gravée et estampée par MARC PESSIN. Édition tirée à 50 exemplaires numérotés et signés. Achevé en Avril 2016  pour les Éditions ‘’Le Verbe et l’Empreinte’’, atelier d’art à Saint-Laurent-du-Pont Isère.

    Un des 50 exemplaires : 80 €

    Cornelia Petrescu

    Née en 1938 dans une famille d’instituteurs de Bucovine (Nord de la Roumanie), elle a vécu son enfance pendant la période trouble de la guerre, suivie par l’absurdité de la dictature communiste. De formation scientifique, elle a travaillé comme ingénieur en Roumanie et en France où elle s’est exilée en 1986. Son attrait pour l’écriture naquit dans son pays d’adoption, comme un exutoire à la difficulté du déracinement qu’elle vivait.

    Ces poésies, qui marquent l’évolution de l’auteur sur la terre d’asile, sont publiées grâce à l’incitation de son éditeur Marc Pessin.

    Membre de l’Union des Ecrivains de Roumanie et de la Société des Ecrivains de Bucovine.

    Du même auteur:

    Cartes postales, roman en langue roumaine, Timpul  Iaşi/2014,

    La nuit des cigales, roman en langue française, Thot Grenoble/2004, traduit en langue roumaine, Junimea Iaşi /2012,

    Le cercle de Siméon, roman en langue roumaine,  Junimea Iaşi/2010,

    Les écorces d’orange, recueil de nouvelles en langue française, Mon petit éditeur Paris/2010,  

    Semper Stare, roman en langue française, L’Harmattan Paris/2007,

    Un autre regard (coauteur), album bilingue, Tipolidana Suceava/2004,

    L’apprentissage de l’humilité, roman en langue roumaine, Junimea Iaşi/2001,

    La première vie,  roman en langue roumaine, Noël Iaşi/1998,

    Rêve de chien. Rêve d’homme, nouvelle de début en langue française,  Vernet Isère/1990.

    www.cornelia-petrescu.info

  • Amour, lyrisme et mots

     

    Radu Bata à Lyon

    Le Consulat Général de Roumanie à Lyon vous convie, le mercredi 23 mars à 18h.00, à la Maison de l’Europe et des Européens, 242 rue Duguesclin 69003 Lyon, à la rencontre avec l’écrivain Radu Bata et le professeur Jean-Pierre Longre (Rhône Roumanie) pour discuter sur les interférences littéraires franco-roumaines, sur une géographie imaginaire aux frontières perméables.
    La soirée finira autour d’un cocktail offert par le Consulat Général de Roumanie à Lyon.

    CONSULAT GENERAL DE ROUMANIE A LYON
    29, rue de Bonnel 69003 Lyon
    Tél: 04.78.60.70.77, Fax: 04.78.60.70.94
    consulatroumanie.lyon@gmail.com

    Plus de préisions ici: affiche Radu Bata MDEE.pdf

    Radu Bata, Le philtre des nuages et autres ivresses, Éditions Galimatias, 2014

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    Oui, dans Le philtre des nuages, le lyrisme et les jeux font bon ménage, ce qui n’est pas courant. Radu Bata, dans son précédent ouvrage, Mines de petits riens sur un lit à baldaquin, nous avait mis en condition, triturant la langue dans tous les sens de ses rêves et de ses insomnies. Ici, certes, nous retrouvons ce goût prononcé pour l’élasticité du verbe, pour les « champs sémantiques / du no man’s land », pour la musique des consonnes, pour les aphorismes détournés… Mais, dit-il, « derrière les mots il y a un mystère ».

    C’est ce mystère que, par la poésie, le « soigneur de mots », spécialiste de « la langue du doute », tente de percer. Les textes, aux titres intrigants, souvent décalés, ne manquent pas de réserver des surprises linguistiques, oniriques, humoristiques, satiriques – et les suites à caractère surréaliste, aux allures de cadavres exquis, voisinent sans anicroche avec la simple expression des sentiments humains, avec le lyrisme vrai de l’amour, seul capable « de dissiper / les nuages / qui s’amassent / sur ton front ».

    poésie,francophone,roumanie, radu bata, éditions galimatias,jean-pierre longreMais comment préserver la sincérité du cœur dans un monde où « les humains ne savent plus dire qu’amour de soi », dans un monde où les « enfants battus / de la prospérité » doivent fraterniser avec des « loups-garous avares » ou des « vampires malveillants » ? Comment l’individu, condamné à « vivre pluvieux », peut-il affronter les monstres modernes ? Radu Bata n’a pas perdu ses racines roumaines, qu’il revendique çà et là, et n’a rien oublié non plus de la beauté des nuages, de « l’harmonie cosmique », de la « langue du doute », des bienfaits du silence, ni de l’ivresse que procure la vraie poésie, celle de Rimbaud ou de Nichita Stanescu par exemple.

    C’est ainsi que Le philtre des nuages, en « poésettes » aux allures simples mais (mine de rien) finement élaborées, nous emmène « par des chemins de traverse » vers un « pays d’élection », celui où il fait bon, sous la houlette du langage, déguster les bonheurs distillés de la nature, de la tendresse et de la chaleur humaines.

    Jean-Pierre Longre

     www.editions-galimatias.fr  

  • L’ombre du temps

    Horia Badescu, Roulette russe, Chants de vie et de mort, peintures d’Anne Slacik, L’herbe qui tremble, 2015

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    « Chaque poème est un battement de cœur

    Dans chaque battement de cœur vit la mort ».

    Ainsi finit le premier poème, qui donne son titre au recueil. L’apparente opposition entre vie et mort, transformée par la plume du poète, n’en est plus une, tant les deux sont étroitement  unies :

    « Heureux sois-tu

    toi dont l’âme est emplie de morts.

    Ils sont là plus vivants

    que jamais. »

    Cette unité commande la thématique centrale, celle du temps, le « vieux Chronos » qui apporte « l’obstination » de la vieillesse, et qui préside à tout : l’ombre et la lumière, la joie et la tristesse, les « comptes obscurs » des jours, des heures, des années, les traces des visages croisés, des sentiments éprouvés, les paysages, la nature, cette nature qui entretient un lien intime et sacré avec l’humanité : le « frère vent », la « sœur pluie », « la poussière qui se souvient », et

    « Le brin d’herbe dans le ventre

    Du frimas

    Avant qu’il ait gagné

    L’immortalité ».

    Oui, l’immortalité que suggèrent les profondes et infinies peintures d’Anne Slacik illustrant le recueil, la langue à la fois limpide et dense de Horia Badescu, et l’épitaphe finale, en une fusion de la vie et de la mort :

    « Même la mort

    pareille à sa bien-aimée

    l’a charmé ! ».

     

    Jean-Pierre Longre

    http://lherbequitremble.fr

     

  • Le jeu, l’absurde, la création

    poésie,roumanie,călin torsan,jean-pierre longre,gabrielle danouxCălin Torsan, Brocs en stock, « Miniatures dont l’émaille s’écaille », traduit du roumain par Gabrielle Danoux, 2015

    Le titre choisi par la traductrice (au plus près, formellement parlant, de l’original) sonne comme celui d’un album d’Hergé. De fait, ce recueil plein de surprises (heureuses), ces textes pleins de retournements (déroutants) penchent souvent du côté du jeu : jeux de sonorités, de mots, de lettres même. Certains passages ne dépareraient pas dans un ensemble d’exercices oulipiens, tels « Le ciron devenu étalon », qui utilise la technique de la « littérature définitionnelle » illustrée par Raymond Queneau, ou « Le retour de Bob », dans lequel la recherche de l’inspiration passe par les citations de grandes œuvres du patrimoine.

    Si les auteurs célèbres sont parfois sollicités, Călin Torsan semble avoir une prédilection pour l’obscur et l’anonyme. Prédilection, par exemple, pour les écrivains et les artistes méconnus, oubliés, voire fictifs, dont les ambitions sont contrecarrées par des contraintes matérielles, par la malchance ou tout bonnement par le manque de talent – parfois même par le hasard d’une goutte de sueur (le grand Eminescu devenant un certain « Eminesou », ou l’inverse ?). D’ailleurs les détails de la vie quotidienne (la cuisine, la télévision, les transports en commun, on en passe) interfèrent abondamment dans l’existence des personnages, provoquant des réactions ou des rapprochements inattendus. Et cela jusqu’à l’absurde, à l’énigmatique, mêlant parfois le rêve et la veille, les affres du cauchemar et les plaisirs de la réalité.

    Sans oublier l’humour, omniprésent : humour noir, grivoiserie, rire burlesque, noms rigolos, comique de situation, ironie, satire… Toutes les tonalités y passent, de la franche bonne humeur à la dérision. Mais le rire est rarement gratuit. Il entre dans ce que l’on peut considérer comme le sujet principal de l’ouvrage (dont les 220 pages, soit dit en passant, contiennent de nombreux autres ouvrages en germe, esquissés, suggérés) : les processus de création artistique, littéraire, linguistique, autrement dit la manière dont l’être humain tente d’exprimer ses sentiments et ses sensations. Et si l’on peut faire ici différents  rapprochements (avec Borges, Queneau déjà cité, Kafka, Ionesco, Urmuz…), Călin Torsan se révèle comme un écrivain complet et orignal. Brocs en stock le prouve.

    Jean-Pierre Longre

    http://www.babelio.com/livres/Torsan-Brocs-en-stock/772552

    P.S.: Gabrielle Danoux a aussi traduit récemment Le collectionneur de sons d’Anton Holban, « le plus proustien des écrivains roumains ». Chronique à venir ici.

     

  • « Entre toi et moi ». Mère et fils


    Marius Chivu, La ventolière en plastique, traduit du roumain par Fanny Chartres, illustrations de Dan Stanciu, M.E.O., 2015

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                                « elle dit qu’elle est la ventolière en plastique

                                me chuchote qu’elle a des robes en kiwi

                                des pulls en bois parfumé

                                un jardin de macarons

                                et des plages de sables parlants ».

    Un poème surréaliste ? Oui, si l’on veut, mais forgé par une femme paralysée, amnésique, pour laquelle son fils aimant, aux petits soins avec elle, a écrit les beaux textes en vers livres qui composent ce recueil.

    Pas de pathos, pas de lamentations grandiloquentes, mais des paroles simples, celles que le jeune homme adresse à celle qui, encore jeune elle-même, lui adresse en retour des regards, lui fait des demandes parfois étranges, lui répercute les rêves qui hantent son sommeil… Par-dessus tout, l’amour mutuel, filial et maternel, qui s’exprime jusque dans les silences, à travers les gestes banals de la vie quotidienne, les sensations physiques, les souvenirs d’enfance.

    Dans une typographie expressive (les italiques, les caractères gras), tout s’exprime en collages de mots et de phrases dont le voisinage crée l’étincelle poétique – comme cela se passe en images avec les illustrations de Dan Stuciu –, et qui abordent les grandes préoccupations de l’existence humaine : le temps, la mémoire, la mort, la perte de soi et de l’autre, la religion, la musique, la famille, le rire et les pleurs, la souffrance, la nature, le cycle des saisons… Le travail littéraire (et, dans le cas présent, celui de la traduction) n’exclut pas l’émotion, au contraire. Il tend ici vers le témoignage d’un amour sans faille (« Pour lui montrer à quel point je l’aime / mes cheveux ont blanchi ») qui reconstruit, au-delà de la maladie et du chagrin, une personnalité bien vivante :

                                « son monde

                                est resté malgré tout ordonné et propre

                                réglé

                                pas un instant il n’a cessé de tendre

                                vers l’harmonie »

    Jean-Pierre Longre

    www.meo-edition.eu