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  • Le secret d’Elena

    Roman, francophone, Roumanie, Liliana Lazar, Le Seuil, Jean-Pierre LongreLiliana Lazar, Enfants du diable, Le Seuil, 2016  

    Dans les années 1970-1980, la politique nataliste de Ceauşescu faisait des ravages : avortements clandestins, accouchements sous x, abandons d’enfants qui venaient remplir les orphelinats sordides. Dans ce contexte, Elena Cosma, sage-femme à Bucarest, célibataire en mal d’enfant, décide d’adopter le bébé de Zelda, l’une de ses patientes, avec l’accord de celle-ci. Au bout de quelque temps, Zelda devenant trop pressante auprès de l’enfant, Elena décide de demander sa mutation et de partir avec lui pour un « voyage sans retour » à l’autre bout du pays, dans un village de Moldavie, Prigor.

    À partir de là, les événements vont s’enchaîner rapidement. Le petit Damian, « enfant de Dieu », dont la beauté fragile ne rappelle en rien la physionomie robuste de sa « mère », et sur lequel courent diverses rumeurs, devient le souffre-douleur de ses camarades, tandis qu’Elena, la seule soignante du village, remplit le mieux possible sa mission d’infirmière pour une population dominée par la frayeur qu’inspire le « Despote » Miron Ivanov, maire du village. Désireuse d’étendre son activité, et aussi de se couler dans le moule politico-social de l’époque tout en gardant son secret familial, Elena propose aux autorités de créer un orphelinat à Prigor. L’établissement, installé dans une forêt à l’écart du village, est comme toutes les « maisons d’enfants » du pays un enfer pour ses pensionnaires, appelés (par allusion à leur « père » à tous, Ceauşescu) « enfants du diable »), qui survivent tant bien que mal (et parfois meurent) sous la férule des surveillants, mal nourris, privés de l’hygiène élémentaire et de tout ce qui fait les petits bonheurs habituels des enfants. Certains orphelins, issus du village, sont au cœur des mystères qui tournent autour d’Elena, de Damian, du maire Ivanov – et c’est ainsi que l’intrigue se faufile entre la réalité dramatique de cette période et les personnages lourds de leurs souffrances, de leurs silences, de leurs relations ambiguës, de leurs résignations et de leurs révoltes.

    Le récit foisonnant, mené d’une plume alerte et vigoureuse, court sur une bonne dizaine d’années. À travers les histoires individuelles et au-delà des profondeurs mystérieuses que recèlent les personnages, les événements et les lieux (le village reculé, la forêt, l’étang – motifs que l’on trouvait déjà dans Terre des affranchis), c’est aussi l’histoire de la Roumanie qui se déroule : la dictature, les malheurs de la population, surtout des enfants, la catastrophe de Tchernobyl dont le retentissement est clairement sensible, la « révolution » de fin 1989, l’apparition des « humanitaires », qui traînent eux aussi leurs ambiguïtés… Roman à la fois historique, social, psychologique, noir, Enfants du diable mêle avec bonheur la réalité et l’imaginaire, la narration sèche et les mystères de la poésie. Belle manifestation d’une écriture combinant la maîtrise consommée de la langue française et la perpétuation d’un certain esprit roumain.

    Jean-Pierre Longre

    www.seuil.com

  • Amour, lyrisme et mots

     

    Radu Bata à Lyon

    Le Consulat Général de Roumanie à Lyon vous convie, le mercredi 23 mars à 18h.00, à la Maison de l’Europe et des Européens, 242 rue Duguesclin 69003 Lyon, à la rencontre avec l’écrivain Radu Bata et le professeur Jean-Pierre Longre (Rhône Roumanie) pour discuter sur les interférences littéraires franco-roumaines, sur une géographie imaginaire aux frontières perméables.
    La soirée finira autour d’un cocktail offert par le Consulat Général de Roumanie à Lyon.

    CONSULAT GENERAL DE ROUMANIE A LYON
    29, rue de Bonnel 69003 Lyon
    Tél: 04.78.60.70.77, Fax: 04.78.60.70.94
    consulatroumanie.lyon@gmail.com

    Plus de préisions ici: affiche Radu Bata MDEE.pdf

    Radu Bata, Le philtre des nuages et autres ivresses, Éditions Galimatias, 2014

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    Oui, dans Le philtre des nuages, le lyrisme et les jeux font bon ménage, ce qui n’est pas courant. Radu Bata, dans son précédent ouvrage, Mines de petits riens sur un lit à baldaquin, nous avait mis en condition, triturant la langue dans tous les sens de ses rêves et de ses insomnies. Ici, certes, nous retrouvons ce goût prononcé pour l’élasticité du verbe, pour les « champs sémantiques / du no man’s land », pour la musique des consonnes, pour les aphorismes détournés… Mais, dit-il, « derrière les mots il y a un mystère ».

    C’est ce mystère que, par la poésie, le « soigneur de mots », spécialiste de « la langue du doute », tente de percer. Les textes, aux titres intrigants, souvent décalés, ne manquent pas de réserver des surprises linguistiques, oniriques, humoristiques, satiriques – et les suites à caractère surréaliste, aux allures de cadavres exquis, voisinent sans anicroche avec la simple expression des sentiments humains, avec le lyrisme vrai de l’amour, seul capable « de dissiper / les nuages / qui s’amassent / sur ton front ».

    poésie,francophone,roumanie, radu bata, éditions galimatias,jean-pierre longreMais comment préserver la sincérité du cœur dans un monde où « les humains ne savent plus dire qu’amour de soi », dans un monde où les « enfants battus / de la prospérité » doivent fraterniser avec des « loups-garous avares » ou des « vampires malveillants » ? Comment l’individu, condamné à « vivre pluvieux », peut-il affronter les monstres modernes ? Radu Bata n’a pas perdu ses racines roumaines, qu’il revendique çà et là, et n’a rien oublié non plus de la beauté des nuages, de « l’harmonie cosmique », de la « langue du doute », des bienfaits du silence, ni de l’ivresse que procure la vraie poésie, celle de Rimbaud ou de Nichita Stanescu par exemple.

    C’est ainsi que Le philtre des nuages, en « poésettes » aux allures simples mais (mine de rien) finement élaborées, nous emmène « par des chemins de traverse » vers un « pays d’élection », celui où il fait bon, sous la houlette du langage, déguster les bonheurs distillés de la nature, de la tendresse et de la chaleur humaines.

    Jean-Pierre Longre

     www.editions-galimatias.fr  

  • Pages choisies de Ion Creanga

    Ion Creanga, Contes, Souvenirs d'enfance et Histoires, traduit du roumain, préface et notes de Dominique Ilea, L'Harmattan, 2016

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    Présentation de l'éditeur:

    Ion Creanga est, jusqu'au bout de la langue, un conteur emporté par son récit qu'à son tour il transcende en maître. Quand ses contes et ses histoires nous renvoient au « Décaméron », au « Federigo » de Mérimée ou encore aux « djinns » et autres « éfrits » des Mille et une nuits, ses « souvenirs d'enfance » penchent du côté de « Lazarillo de Tormes » pour offrir un récit autobiographique des aléas d'un gamin tout sauf modèle mais croquant la vie...

    Dominique Ilea présentera "Contes, souvenirs d'enfance et histoires" de Ion Creanga au Salon du livre de Paris, le 19 mars de 12h15 à 13h
    Intervenante: Dominique Ilea, la traductrice de l'ouvrage
    Invité: Pr Eugen Simion, membre de l'Académie roumaine, essayiste, critique et historien de la littérature
    Modératrice: Aïda Valceanu, journaliste
    Salon du livre de Paris
    Stand de Roumanie
    Paris Expo Porte de Versailles
    Pavillon 1
    1, place de la Porte de Versailles
    75005 Paris
    Renseignements / contacts : http://www.livreparis.com/Le-Salon/Infos-Pratiques/ 

    Les éditions L’Harmattan et la traductrice, Dominique Ilea, ont le plaisir de vous inviter à la présentation de l'ouvrage de Ion Creangã Contes, souvenirs d'enfance et histoires, Pages choisies
    En présence du Pr Eugen Simion, membre de l'Académie roumaine, essayiste, critique et historien de la littérature roumaine
    Le samedi 19 mars 2016 à 16h30
    Espace L'Harmattan - 21 bis rue des Ecoles, 75005 Paris
    Métro Maubert-Mutualité, ligne 10 - Bus 63, 86, 87

     

    Chronique à venir ici...

     

  • Londres-Varatec aller-retour

    Roman, francophone, Gaspard Koenig, Grasset, Jean-Pierre LongreGaspard Koenig, Kidnapping, Grasset, 2016  

    Ruxandra, que ses employeurs appellent Roxy, a quitté la Roumanie, espérant y revenir un jour suffisamment riche pour tenir une pharmacie avec son fiancé Mircea. Son emploi de « nanny » dans une famille britannique lui fait découvrir une monde radicalement différent de celui qu’elle a laissé. David, « senior banker » rivé à son BlackBerry et à ses perspectives de carrière, Ivana, qui tente d’oublier et de faire oublier ses origines croates en se coulant dans le moule du snobisme londonien, et le petit George, élevé selon des principes bien arrêtés, auquel Roxy se prend d’une affection de plus en plus maternelle, tout en restant en étroite relation avec une de ses tantes demeurant dans sa région natale.

    Or la banque dans laquelle David travaille est impliquée dans le projet européen du « Corridor IX », autoroute qui relierait la Grèce à la Finlande en passant par la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie, l’Ukraine et la Russie. « De la mer Égée à la Baltique ! », s’enthousiasme le commissaire européen aux transports. David, désireux de monter en grade, se propose pour prendre en charge le tronçon roumain de cet axe, dont sa banque aura la responsabilité – et la Roumanie va ainsi devenir l’objet de ses préoccupations professionnelles. Pas plus, au départ. Puis, à mesure que le projet se précise, greffant sur l’axe principal des voies rapides vers les fameux monastères de Bucovine et de Neamt – ce qui attise la révolte dans les campagnes, les villageois risquant de pâtir des travaux à venir –, il approfondit sa connaissance du pays. Un voyage pittoresque et relativement mouvementé jusqu’au au monastère de Varatec, cœur de la contestation, et que Ruxandra connaît bien, semble lui ouvrir les yeux sur la réalité du terrain et sur les nécessaires négociations à mener.

    Roman, francophone, Gaspard Koenig, Grasset, Jean-Pierre LongreVisiblement, Gaspard Koenig maîtrise son sujet et l’art du roman. La vie londonienne avec ses rites et ses clivages sociaux, la Roumanie dans sa diversité, Bucarest, son animation et ses excès, les campagnes profondes, les monastères et leurs traditions (certains clichés tenaces aussi), les ambitions souvent restées lettre morte des instances européennes, les péripéties que les confrontations entre ces univers entraînent, les traits satiriques auxquels peu échappent : tout est réuni pour procurer une lecture à la fois rebondissante et documentée, qui n’exclut pas la réflexion sur la marche économique du monde et les dissensions qu’elle induit au sein de l’Europe. Un simple échange entre David le banquier de la City et Veronica la bibliothécaire du monastère de Varatec résume parfaitement l’incompréhension réciproque : « Avec l’autoroute, la croissance du département de Neamt devrait attendre les 5% par an. – La croissance de quoi, mon fils ? ». Kidnappeur, kidnappé, les rôles ne sont pas définitivement distribués…

    Jean-Pierre Longre

    www.grasset.fr