Simona Ferrante, Sînzienele ou les Fées de l’amour, Mythes et légendes de Roumanie, illustrations d’Emil Florin Grama, L’Harmattan, 2017
La Roumanie est un pays où la tradition mythique et légendaire, d’une exceptionnelle richesse, reste vivante. Simona Ferrante l’écrit dans son prologue : « La littérature populaire constitue une source abondante dans laquelle la littérature moderne a puisé souvent son inspiration. » Et après avoir clairement défini les mythes (intemporels) et les légendes (ancrées dans une réalité historique), elle évoque les sujets des sept contes qui font l’objet de son livre, dans son style et sa perspective personnels.
On y retrouve avec émotion l’histoire de maître Manole, qui fut obligé d’emmurer sa femme pour achever la construction du monastère d’Argeş, sacrifice suprême destiné à accomplir sa création – et qui en mourut lui-même. Et aussi, dans « Flocon de neige », la ballade de Mioriţa, la brebis chérie qui avertit son berger des mauvaises intentions de ses deux collègues – illustration des étapes d’une vie, naissance, amour, mort. Nous sommes aussi plongés dans l’histoire lointaine de la Dacie et du roi Decebal, ce qui permet une réflexion sur les origines du peuple roumain : « On ne peut oublier les Daces, ils sont nos ancêtres, notre héritage. De même, on ne peut surtout pas nier ce que la culture latine nous a apporté. Cette union a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, le peuple roumain, mais la genèse ne fut pas sans souffrance. »
Fruits de l’imagination (comme celle qui a donné son titre à l’ouvrage) ou de la tradition (comme celle, entre autres, qui explique la présence d’étranges rochers au sommet des monts Bucegi), les histoires ici racontées foisonnent de références mythiques ou légendaires, de personnages symboliques et pittoresques, d’actions vives et de dialogues alertes, d’interprétations poétiques de la marche du monde (voyez pourquoi, par exemple, « quand la lune luit, le soleil dort et quand le soleil se lève, la lune s’abîme dans la mer. »)… Et les illustrations d’Emil Florin Grama, portraits ou paysages, ponctuent de leur luminosité particulière les textes de Simona Ferrante, dont la lecture enrichit singulièrement la connaissance que l’on peut avoir de la culture roumaine et européenne.
Jean-Pierre Longre
Les sept contes : Le Monastère d’Argeş, La légende de la Dacie et du berceau des tempêtes, Flocon de neige, Sînzienele ou les Fées de l’amour, Voinicel et le Serpent, Le Soleil et la Lune, La vieille Dochia.