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Le peuple et les pouvoirs. L’exemple de la Roumanie

Histoire, politique, Roumanie, Robert Adam, Cătălina Voican, Non Lieu, Jean-Pierre LongreRobert Adam, Deux siècles de populisme roumain, traduit du roumain par Cătălina Voican, Non Lieu, 2021

Du début du XIXe siècle au début du XXIe, la Roumanie a vécu une histoire houleuse, pleine de bouleversements politiques ; un terrain accidenté sur lequel le populisme, sous ses différentes formes, a pu fleurir sporadiquement ou s’enraciner durablement. D’une manière générale, il se caractérise par « quelques traits » bien tracés, avant toute analyse, par Robert Adam : « Le caractère transidéologique, la révolte de l’homme du peuple contre l’élite, la méfiance à l’égard des intellectuels et des politiques […], l’orientation vers le passé comme modèle pour l’avenir et la négation du progrès, la petite propriété privée comme base du dynamisme et de l’équité économiques, la propension à la démocratie directe ou au choix d’un leader fort comme formes de gouvernement. »

En 360 pages divisées en deux grandes parties (« Les avatars du populisme roumain », « Les couleurs du populisme »), l’auteur analyse très précisément, dans une perspective chronologique, les différentes tournures qu’a pris le populisme dans l’histoire du pays. C’est d’abord le « protopopulisme » de Tudor Vladimirescu, puis celui de Nicolae Bălcescu en 1848, avant « les véritables propagateurs », Constantin Dobrogeanu-Gherea et Constantin Stere. La suite nous éclaire sur le « porporanisme » et la revue Viaţa romănească, sur le « sămănătorism » ou « semeurisme » défini par Nicolae Iorga, sur le Parti du Peuple dirigé par le maréchal Averescu et portant des « espoirs paysans – le « paysannisme » devenant le fondement du « Parti Paysan Uni », à côté de la « coopération », « populisme économique ». Il y eut bien sûr l’idéologie « légionnaire » avec Corneliu Zelea Codreanu, « à la fois anticommuniste, antisémite, antipoliticiens, antilibéral, antidémocrate, antimoderniste », et qui revendique la caution ancestrale des Daces et de mythes comme celui de « la noce funéraire de Mioritza ». On sait que le coup d’État royal du 10 février 1938 interdit les partis politiques au profit du « Front de la Renaissance Nationale », puis porta à la tête de l’État le général Ion Antonescu et son idéologie fasciste.

La deuxième partie est d’abord consacrée au populisme du régime communiste, montrant comment le « protochronisme » et la « recomposition du passé » permirent de contrôler l’apprentissage de l’Histoire, comment le national-communisme s’appuyait aussi entre autres sur « l’exploitation de la performance sportive. » Puis un long chapitre étudie en détails les « relations ambiguës » entre le P.S.D. et le Parti de la Grande Roumanie après 1990, et montre comment le retour de la démocratie entraîna « la résurgence quasi immédiate du populisme de diverses factures. »

Le livre de Robert Adam, fouillé, approfondi, solidement documenté, est une mine de renseignements et d’analyses historiques, sur le populisme certes, mais aussi sur toute l’évolution politique de la Roumanie jusqu’à nos jours. Et aussi une excellente base de réflexion sur ce qu’il advient actuellement d’un certain nombre de démocraties européennes.  

Jean-Pierre Longre

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